Nouvelle
série BD qui sera sous forme de trilogie (j'ignore les prévisions de dates de
parution des deux prochains volets). Penchons-nous calmement sur ce premier tome.
Ouvrons-le. Et là tout de suite un choc. Pardon, LE choc. Non mais franchement,
les dessins. Avant même de lire le scénario. Comme ça, à froid. Coup de foudre.
Cœurs en suspens. C’est pas humain. On frise la perfection, du noir et blanc
hyper stylisé, détaillé jusqu'à l'obsession, à chaque vignette ou presque une
sorte de fresque devant laquelle on reste longtemps en pâmoison (pourquoi ça me
rappelle par moment les dessins de MOISAN dans « Le Canard Enchaîné »
des années 1960 ? Les pages pleines de MOISAN représentant un DE GAULLE
monarque). Du noir très noir et du blanc immaculé. Devant une telle beauté on
en oublierait presque de lire les bulles.
Cette
trilogie sera sous le signe du Saint Suaire, une épopée du tissu dans lequel
fut enveloppé le christ à sa mort. Si le deuxième volume se déroulera au XIXème
siècle à Turin et le troisième dans l'Espagne contemporaine, ce premier a lieu
en France, en Champagne plus précisément, du côté de Troyes en 1357. L'énigme
n'est à vrai dire pas spectaculaire au fond, pas d'infernaux rebondissements.
Dans un pays touché par la peste, Lucie aime son cousin Henri, évêque de
Troyes, et souhaiterait l'épouser. Seulement il y a Thomas, prieur de l'abbaye
de Lirey, sorte de gourou qui va entraîner Lucie dans un pacte morbide :
fabriquer un faux suaire du christ pour haranguer les foules et remplir
l'église de fidèles car la communauté a besoin d'argent pour construire une
abbatiale afin de recevoir un morceau de La Vraie Croix (un bout de la croix du
christ durant sa crucifixion sur le mont Golgotha).
Pas
de quoi se relever la nuit me direz-vous. Peut-être, mais les dialogues sont
bien écrits (par Gérard MORDILLAT et Jérôme PRIEUR, nom prédestiné pour ce
genre de projet). Les deux lascars ont déjà un joli CV ensemble puisque à
quatre mains ils ont entre autres sorti des films et séries documentaires
(« Corpus Christi », « L'origine du christianisme »,
c'était eux) et des essais sur Jésus. En carrière individuelle et rien qu'en
romans, MORDILLAT en a pondu une trentaine (la plupart pour la jeunesse).
PRIEUR est spécialisé dans les documentaires (écrits et filmés) et essais,
solide liste de publications pour lui aussi.
Revenons
au présent volume : il y a cette intrigue concernant le suaire : en
existe-t-il un vrai de vrai quelque part souillé de la sudation du christ alors
qu'il semble si aisé d'en inventer de faux ? Quant aux dessins, je ne
reviendrai pas sur leur élégance maximale, je rappellerai néanmoins qu'Éric
LIBERGE a déjà commis pas mal de BD, dont les séries « Les corsaires
d'Alcibiade » et « Monsieur Mardi-Gras Descendres » (entre
autres), des biographies (notamment sur STALINE et Alan TURING). Rarement je me
trouve à contempler aussi longtemps les dessins d'une BD sans me précipiter sur
la lecture des dialogues. Je vous lance un défi : allez visiter votre
magasin de bandes dessinées favori, demandez l'ouvrage en question,
asseyez-vous et commencez à tourner les pages en observant les dessins, sans
vous préoccuper de la lecture, je suis sûr que ça va fonctionner. Un conseil :
ne prévoyez pas de rendez-vous chez le dentiste juste après car vous pourriez
fort bien lui poser un lapin et lui donner l'opportunité de se venger sur vos
molaires lors de la prochaine séance.
Bref,
ces dessins possèdent une force inouïe qui est tout bonnement hypnotique, une
raison pour faire durer cette lecture, encore et encore, car ces 70 pages
passent très vite. Le projet de proposer une trilogie courant sur 3 époques
séparées de sept siècles semble très ambitieux, attendons les deux prochains
volumes, mais nul doute que la claque des dessins sera encore bien présente.
C'est sorti chez FUTUROPOLIS en 2018 et c'est plus que prometteur.
(Warren BISMUTH)
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