samedi 29 septembre 2018

Adeline DIEUDONNÉ « La vraie vie »


Premier roman, auteure bruxelloise, il n’en fallait pas davantage pour que j’attaque « La vraie vie », d’Adeline DIEUDONNÉ. La quatrième de couverture m’offre manifestement une thématique qui m’est chère : l’adolescence et les familles dysfonctionnelles. Quelle aubaine !
Ça ne commence pas vraiment comme un conte de fées : il y a les parents, une mère timide, effacée, manifestement violentée, par les mots et par les poings ; le père, ce tortionnaire, adepte de la chasse au grand gibier et qui sanctuarise une pièce du logement pour y créer une sorte de cabinets de curiosités, à base d’animaux empaillés, issus de ses traques. Traques qui servent manifestement de soupape puisqu’il s’avère que sa violence se déchaîne d’autant plus qu’il n’est pas allé poursuivre son dessein meurtrier.
Qui dit parents dit enfants : l’aînée, la narratrice, dont le prénom reste inconnu et le petit frère Gilles, auréolé d’innocence. Il y a le chien, animal fidèle, qu’il faudra sauver, plusieurs fois.
Il y a le cadre, le « Démo », quartier fait de bric et de broc après qu’un promoteur eut l’idée de construire des habitations à la fois modernes et pas chères, le tout étant bétonné, asphalté, et de très mauvais goût. Seule la forêt environnante permet de donner à l’ensemble un aspect à peu près acceptable.
Ce tableau plutôt vert de gris, va se noircir définitivement à cause d’un cornet de glace à la chantilly. Le monde déjà fragile bascule complètement et la narratrice n’aura de cesse que de trouver des astuces, entre autosuggestion et magie, pour récupérer son paradis perdu, ses jeux d’enfant dans une casse. Tout est brisé : le petit frère, le visage de sa mère et même le peu qui la liait encore à son père, autant craint qu’adulé, auquel elle lutte pour plaire. Et il y a la hyène, à la fois animal empaillé et poison qui se distille lentement, mauvais œil qui la traque et qui la torture, qui éloigne l’innocence de la maison où il en demeurait bien peu.
La narratrice grandit et la petite fille laisse place à l’adolescente : l’œil du père se modifie, son regard change, il perd son travail dans un parc d’attractions. Petit prodige en sciences et plus particulièrement en physique, elle est repérée par son professeur de sciences qui la recommande chaudement à l’un de ses amis professeur émérite qui va se charger de nourrir son esprit et qui va, sans le savoir, la sauver du marasme familial. Pour payer ses cours, elle va faire du baby-sitting, ce qui lui permet, par l’intermédiaire du valeureux Champion, de découvrir son corps, ses premiers émois.
L’ambiance du roman va crescendo, et autant dire qu’avec ses 265 pages, le lecteur n’a pas le temps de souffler. Lu d’une traite, en marchant même, on ne peut se résoudre à laisser cette jeune fille seule à la merci de cette gangrène familiale. L’acmé est atteinte dans les bois, comble de la noirceur, sorte de battle royale à laquelle on peine à croire tant ce passage est empreint de violence (familiale).
Plus un roman noir qu’un véritable roman d’apprentissage (bien qu’il ait des deux), La vraie vie ne nous laisse aucun répit. On le referme avec une bouffée d’optimisme bien qu’il en coûte de quitter une narratrice aussi attachante.
Adeline DIEUDONNÉ est une auteure dont il faut absolument surveiller les sorties futures, en quête d’une autre pépite. Foncez dessus en librairie, c’est édité chez L’Iconoclaste.

 (Emilia Sancti)

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