jeudi 16 mai 2019

Philippe RICHELLE & Alfio BUSCAGLIA « Algérie une guerre française – Tome 1 – Derniers beaux jours »


Une toute nouvelle série BD, et alléchante avec ça ! Le cadre est le rapport fort difficile entre la France et sa colonie d’alors, l’Algérie, au sortir de la deuxième guerre mondiale mais, dans ce premier volume, précisément avant le déclenchement des événements d’Algérie qui eurent lieu à partir du 1er novembre 1954.

Pourquoi en ce 1er novembre 1954 tout s’embrasa de l’autre côté de la Méditerranée ? Les crayons d’Alfio BUSCAGLIA et le scénario de Philippe RICHELLE (déjà coupable de la magistrale série BD en cours – et presque arrivée à son terme – « Les guerriers de Dieu ») vont nous éclairer avec talent.

Certes l’Algérie est alors un département français, avec donc un peuple français, mais qui pourtant ne possède pas les mêmes droits que les citoyens métropolitains. Si les algériens acceptent cette situation bon gré mal gré – avec de nombreuses dissensions -, des événements graves vont se produire : le massacre de Sétif, le jour même de l’armistice actant la fin de la deuxième guerre mondiale le 8 mai 1945, des milliers de morts en ce jour funeste. Avant cet épisode, il y a eu des faits et mouvements de foule : participation des algériens à la guerre, émigration de métropolitains vers l’Algérie pour fuir ladite guerre.

Les auteurs font revivre l’époque située entre 1945 et 1954 en Algérie, l’éducation scolaire (prônée par les blancs, insistant sur l’Histoire de France métropolitaine), les inégalités légales entre citoyens français « de souche » et algériens, ces derniers considérés comme des citoyens de seconde zone. Incursion rapide au cœur de la deuxième guerre mondiale avec le rôle des algériens dont un paquet vont mourir pour la France. Puis viennent les rôles politiques d’organisations telles le Parti du Peuple Algérien (P.P.A.) se substituant en Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (M.T.L.D.), puis début 1954 formation du Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action (C.R.U.A.) qui deviendra le 10 octobre le célèbre Front de Libération Nationale (F.L.N.).

Comment ces mouvements se sont organisés, qui en furent les leaders, comment furent-ils réprimés ? Tout cela est indiqué dans cette BD historique et politique qui ne laisse rien au hasard dans ses grandes lignes. Comment comprendre les enjeux qui ont abouti à novembre 1954 ? Comment mettre en images une répression sanglante antérieure qui a entraîné cette guerre et cette volonté d’indépendance du peuple algérien ? N’entrons pas dans les détails puisque cette BD permet de vulgariser à peu de frais cette période tendue et chaotique. Pour ce faire, les auteurs bâtissent des personnages fictionnels qui vont vivre au milieu du tourment et mieux donner vie à ce bras de fer qui durera officiellement près de huit ans, mais bien plus dans les faits.

Attendons patiemment la suite de cette  série qui s’annonce comme une grande fresque sur la guerre d’Algérie. Ce premier volet est diablement prometteur, et les dessins réalistes semblent bien refléter les couleurs du paysage algérien baigné de soleil et de murs blancs. Si je dois fonder une seule critique, elle sera sur la grosseur de l’écriture : un presbyte comme moi a parfois eu bien du mal à déchiffrer les dialogues écrits petits et serrés, et une mauvaise loupe ne fit qu’accentuer mon désarroi. Mais au final, une satisfaction d’avoir terminé ce tome qui nous fait nous replonger sans filet dans une des grandes cicatrices de l’Histoire de France des XIXe et XXe siècles. Du sacré bon boulot fort documenté sorti en 2019.


(Warren Bismuth)

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