Une
toute nouvelle série BD, et alléchante avec ça ! Le cadre est le rapport
fort difficile entre la France et sa colonie d’alors, l’Algérie, au sortir de
la deuxième guerre mondiale mais, dans ce premier volume, précisément avant le
déclenchement des événements d’Algérie qui eurent lieu à partir du 1er
novembre 1954.
Pourquoi
en ce 1er novembre 1954 tout s’embrasa de l’autre côté de la
Méditerranée ? Les crayons d’Alfio BUSCAGLIA et le scénario de Philippe
RICHELLE (déjà coupable de la magistrale série BD en cours – et presque arrivée
à son terme – « Les guerriers de Dieu ») vont nous éclairer avec
talent.
Certes
l’Algérie est alors un département français, avec donc un peuple français, mais
qui pourtant ne possède pas les mêmes droits que les citoyens métropolitains.
Si les algériens acceptent cette situation bon gré mal gré – avec de nombreuses
dissensions -, des événements graves vont se produire : le massacre de
Sétif, le jour même de l’armistice actant la fin de la deuxième guerre mondiale
le 8 mai 1945, des milliers de morts en ce jour funeste. Avant cet épisode, il
y a eu des faits et mouvements de foule : participation des algériens à la
guerre, émigration de métropolitains vers l’Algérie pour fuir ladite guerre.
Les
auteurs font revivre l’époque située entre 1945 et 1954 en Algérie, l’éducation
scolaire (prônée par les blancs, insistant sur l’Histoire de France
métropolitaine), les inégalités légales entre citoyens français « de
souche » et algériens, ces derniers considérés comme des citoyens de
seconde zone. Incursion rapide au cœur de la deuxième guerre mondiale avec le
rôle des algériens dont un paquet vont mourir pour la France. Puis viennent les
rôles politiques d’organisations telles le Parti du Peuple Algérien (P.P.A.) se
substituant en Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (M.T.L.D.),
puis début 1954 formation du Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action
(C.R.U.A.) qui deviendra le 10 octobre le célèbre Front de Libération Nationale
(F.L.N.).
Comment
ces mouvements se sont organisés, qui en furent les leaders, comment furent-ils
réprimés ? Tout cela est indiqué dans cette BD historique et politique qui
ne laisse rien au hasard dans ses grandes lignes. Comment comprendre les enjeux
qui ont abouti à novembre 1954 ? Comment mettre en images une répression
sanglante antérieure qui a entraîné cette guerre et cette volonté
d’indépendance du peuple algérien ? N’entrons pas dans les détails puisque
cette BD permet de vulgariser à peu de frais cette période tendue et chaotique.
Pour ce faire, les auteurs bâtissent des personnages fictionnels qui vont vivre
au milieu du tourment et mieux donner vie à ce bras de fer qui durera
officiellement près de huit ans, mais bien plus dans les faits.
Attendons
patiemment la suite de cette série qui
s’annonce comme une grande fresque sur la guerre d’Algérie. Ce premier volet
est diablement prometteur, et les dessins réalistes semblent bien refléter les
couleurs du paysage algérien baigné de soleil et de murs blancs. Si je dois
fonder une seule critique, elle sera sur la grosseur de l’écriture : un
presbyte comme moi a parfois eu bien du mal à déchiffrer les dialogues écrits
petits et serrés, et une mauvaise loupe ne fit qu’accentuer mon désarroi. Mais
au final, une satisfaction d’avoir terminé ce tome qui nous fait nous replonger
sans filet dans une des grandes cicatrices de l’Histoire de France des XIXe et
XXe siècles. Du sacré bon boulot fort documenté sorti en 2019.
(Warren Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire