samedi 9 janvier 2021

Isabelle FLATEN « La folie de ma mère »

 


Un roman bref, percutant, envahissant, envoûtant. La narratrice pourrait bien ressembler farouchement à une certaine FLATEN Isabelle. Elle voit resurgir ses souvenirs propres, depuis l’âge de 3 ans, brinquebalée entre Alsace, région parisienne et Lorraine. Sa mère est aussi au cœur de ce récit.

 

Mai 68 passe par là. La mère est engagée politiquement, libertaire de la vieille école. La narratrice grandit au milieu des slogans, des revendications, de la lutte des femmes. Elle se métamorphose en baba-cool, découvre les joints à fumer, les fêtes entre amis jusqu’à pas d’heure.

 

La mère toujours. Militante obstinée dans ses convictions (« Quand Odette, la gentille voisine, t’apporte des belles soles qu’elle a achetées au marché en pensant à tes enfants, tu lui claques la porte au nez : ‘hors de question d’accepter des soles gaullistes !’ »), elle va s’occuper de femmes en détresse, battues, violentées, abandonnées. D’un côté les femmes, de l’autre les hommes. Mais là c’est une autre histoire…

 

Peu à peu la mère perd pied. Tout est en place pour un mauvais film d’épouvante. Jusqu’où va-t-elle sombrer ?

 

Dans cette galerie de portraits tantôt effrayants tantôt touchants voire tout simplement beaux, la figure de la mère écrase tout, celle de la fille survit, derrière, dans l’ombre. C’est le Je (de la fille) et Tu (de la mère). Se mutant parfois en Je hais Tu. Le récit est direct mais pudique, pas d’envolées du trauma profond, mais plutôt la volonté de comprendre. Un roman tendu, dur, dans lequel il est difficile de reprendre sa respiration tant les scènes, pourtant sans trémolos ni hémoglobine, sont violentes, cette violence sourde, sous-jacente, qui pète au visage tout en touchant au cœur.

 

Et puis il y a un roman dans le roman, dont je ne vous dévoilerai rien, mais qui pourrait bien être la clé de voûte de cette folie, pointant des secrets de famille, ancrés mais tus sinon abattus dès qu’ils pointent leur nez. Le talent d’Isabelle FLATEN consiste à faire passer tout cela de manière détachée mais pourtant très présente, en sortant avec recul la carte joker de l’humour. Et là, pourtant bouleversés, tour à tour nous rions, nous mourons, nous décompressons. Un roman qui tape fort, qui se parcourt en apnée, qui résonne jusqu’à en être entêtant et obsédant. À lire d’une traite. Sorti tout récemment chez Le Nouvel Attila. Précipitez-vous.

http://www.lenouvelattila.fr/

(Warren Bismuth)

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