Durant la campagne d’Egypte de 1798, Pauline FOURÈS dite Bellilote, alors épouse du lieutenant FOURÈS, est séduite par le général BONAPARTE, lui-même à la tête de l’armée française chargée de couper la route des Indes à l’armée anglaise.
Le lieutenant FOURÈS est déplacé par BONAPARTE qui veut avoir les coudées franches avec Pauline, et fait ordonner à son soldat de rejoindre la France au plus vite. Seulement, le navire sur lequel navigue FOURÈS est attaqué par l’armée de la Grande-Bretagne qui fait prisonnier son équipage. FOURÈS est le seul captif libéré : il porte sur lui une lettre de BONAPARTE. Il peut donc rentrer sain et sauf au Caire… Et apprendre la liaison de sa Pauline de femme avec le général remuant… « Être prudent, je n’y pense même pas. La prudence n’est qu’un mot évasif pour désigner la peur ; et je n’ai peur de personne. Ils peuvent claironner l’histoire en France et les anglais peuvent la raconter dans leurs gazettes, ici je fais ce qui me plaît. Je serais un idiot de ne pas prendre la femme que je veux. Qui peut être gêné, d’ailleurs, qui a quelque chose à dire que je couche ici seul ou à deux ? ».
FOURÈS, de retour en France sur les talons de BONAPARTE après la campagne d’Egypte, est prêt à faire éclater le scandale en haut lieu. Mais le lui permettra-t-on ? D’autant que BONAPARTE prend du galon en devenant Premier consul. Et l’adultère semble ne plus l’enthousiasmer… Tandis que FOURÈS se découvre une fierté et un combat autre que militaire : « La patrie, ha ! Ha ! Parlons-en ! J’attendais que vous me sortiez ce drapeau-là qui sert à couvrir toutes vos sales combines ! Merci de la leçon, citoyen ministre, mais moi j’ai servi la République avec ma peau, loyalement, courageusement, aveuglément pendant sept ans ! Seulement en Egypte toutes sortes de faits m’ont éclairé et j’ai l’honneur de vous dire que je m’en fous d’une patrie qui met un flibustier plus haut que la liberté ! Pourquoi faut-il que ce soit toujours moi, nous, le peuple, les imbéciles qui trimions et nous sacrifiions pour la patrie ? Quand il s’agit de profit et de gloire, les maîtres sont au premier rang ; quand il est question de sacrifice, c’est nous qu’on pousse en avant ! ».
Cette pièce de théâtre en trois actes est un vrai petit bijou. Se basant sur des faits réels, elle manie l’humour et les situations cocasses, embarrassantes et vaudevillesques avec maestria. ZWEIG réussit un grand numéro de cache-cache, subtil et pétillant. Il épingle la cupidité du futur Napoléon 1er avec finesse et intelligence. Ou comment un homme est prêt à tout pour détruire la carrière d’un de ses soldats qui ne lui a pourtant rien fait de mal, bien au contraire. La pauvre Pauline est dépassée par les événements et se terre dans son ambivalence.
Pièce jubilatoire à lire à la fois comme un moment de détente et une page de l’Histoire de France, elle se laisse déguster avec aisance sans jamais se transformer en cours historique. Visiblement écrite à la toute fin des années 1920, elle est l’un des incontestables éléments constituant l’œuvre riche du ZWEIG historien et biographe passionné.
(Warren Bismuth)
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