mardi 28 janvier 2020

Amandine DHÉE « À mains nues »


Amandine DHÉE signe, avec cette parution de 2020, un nouvel ouvrage féministe et engagé. Pas si loin de « La Femme brouillon », qui parlait de maternité, « À main nues » décortique la sexualité féminine, dans ce qu’elle a de trivial souvent, mais qui a le mérite d’interroger les représentations communément admises et de mettre en mots, crûment parfois, ce qui reste souvent dissimulé sous le drap blanc de la bienséance.

« Et soudain, ça me manque. Ça me manque d’avoir mal au ventre et jusqu’au bout des doigts pour quelqu’un. » L’exclusivité sexuelle davantage que la fidélité, l’appropriation de son désir et de son plaisir, la réappropriation d’un corps qui se perd au hasard des maternités, et du quotidien qui parfois anesthésie. Mais toujours cette petite musique en toile de fond qui nous rappelle combien nous sommes vivantes, d’abord grâce à nous et grâce à l’autre aussi, qui intervient comme vecteur possible de cet épanouissement.

Amandine DHEE liste, avec la pudeur de l’emploi de la troisième personne du singulier, le parcours commun d’une jeune femme qui découvre son corps, qui s’interroge, qui va rencontrer son premier amour, se mettre en couple. Les désillusions, les contes de fée qui s’écroulent, le retour à la réalité, parfois violent et impromptu « Pourquoi elle part, un si gentil garçon, il ne la trompe pas, il n’est pas violent. Qu’elle le dise tout de suite si le bonheur l’emmerde. Pas nette, cette fille. »

Alors, oui, parfois l’auteure enfonce des portes ouvertes, on tourne les pages et l’on se dit « mais oui, mais bon sang, mais bien sûr voyons. » Le constat néanmoins, c’est qu’au XXIème siècle il est toujours compliqué d’exprimer ce type d’avis, tranché au couteau et pourtant pas si net que cela parfois. De décrire la duplicité des femmes dans leur rapport à ce qu’on leur enseigne, ce qu’elles doivent être, tout en portant l’héritage du combat de leurs ancêtres. Cette culpabilité sans cesse teintée de ce besoin affectif lié à l’autre « Une nuit elle se blottit contre lui. Quelque chose se repose (…) c’est sa peau qui décide. Le lendemain, elle reprend ses esprits. Se souvient qu’elle est une femme libre, mystérieuse et insaisissable. » Trouver l’équilibre, être en accord avec soi-même, respecter l’autre, respecter l’héritage d’un amour qui a fini par disparaître aussi promptement qu’il est arrivé. Un travail de funambule dont l’auteure ne nous livre pas la clé, la formule magique, miracle qui nous permettrait à coup sûr de jouir et de vivre heureuses.

L’ouvrage s’achève sur une jolie note, sur un autre tabou, qui n’est pas que lié à la féminité : la sexualité des personnes âgées. « J’en étais sûre. Le meilleur est à venir. »
136 pages qu’il est bon de lire et de faire tourner autour de soi, afin de se rendre compte que l’on est toutes différentes mais bien souvent semblables dans les questionnements qui entourent notre sexualité et notre rapport au couple, sur notre être au monde dans une société qui reste dramatiquement patriarcale, ce qui fait peser sur les femmes et sur les hommes aussi, une chape de plomb dont on peine à se débarrasser.

Et puis c’est édité à La Contre Allée, gage de qualité.


(Emilia Sancti)

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