Amandine DHÉE signe, avec cette parution de 2020, un
nouvel ouvrage féministe et engagé. Pas si loin de « La Femme
brouillon », qui parlait de maternité, « À main nues »
décortique la sexualité féminine, dans ce qu’elle a de trivial souvent, mais
qui a le mérite d’interroger les représentations communément admises et de
mettre en mots, crûment parfois, ce qui reste souvent dissimulé sous le drap
blanc de la bienséance.
« Et soudain, ça me manque. Ça me
manque d’avoir mal au ventre et jusqu’au bout des doigts pour quelqu’un. »
L’exclusivité sexuelle davantage que la fidélité, l’appropriation de son désir
et de son plaisir, la réappropriation d’un corps qui se perd au hasard des
maternités, et du quotidien qui parfois anesthésie. Mais toujours cette petite
musique en toile de fond qui nous rappelle combien nous sommes vivantes,
d’abord grâce à nous et grâce à l’autre aussi, qui intervient comme vecteur
possible de cet épanouissement.
Amandine DHEE liste, avec la pudeur de l’emploi
de la troisième personne du singulier, le parcours commun d’une jeune femme qui
découvre son corps, qui s’interroge, qui va rencontrer son premier amour, se
mettre en couple. Les désillusions, les contes de fée qui s’écroulent, le
retour à la réalité, parfois violent et impromptu « Pourquoi elle part,
un si gentil garçon, il ne la trompe pas, il n’est pas violent. Qu’elle le dise
tout de suite si le bonheur l’emmerde. Pas nette, cette fille. »
Alors, oui, parfois l’auteure enfonce des
portes ouvertes, on tourne les pages et l’on se dit « mais oui, mais bon
sang, mais bien sûr voyons. » Le constat néanmoins, c’est qu’au XXIème
siècle il est toujours compliqué d’exprimer ce type d’avis, tranché au couteau
et pourtant pas si net que cela parfois. De décrire la duplicité des femmes
dans leur rapport à ce qu’on leur enseigne, ce qu’elles doivent être, tout en
portant l’héritage du combat de leurs ancêtres. Cette culpabilité sans cesse
teintée de ce besoin affectif lié à l’autre « Une nuit elle se blottit
contre lui. Quelque chose se repose (…) c’est sa peau qui décide. Le lendemain,
elle reprend ses esprits. Se souvient qu’elle est une femme libre, mystérieuse
et insaisissable. » Trouver l’équilibre, être en accord avec soi-même,
respecter l’autre, respecter l’héritage d’un amour qui a fini par disparaître
aussi promptement qu’il est arrivé. Un travail de funambule dont l’auteure ne
nous livre pas la clé, la formule magique, miracle qui nous permettrait à coup
sûr de jouir et de vivre heureuses.
L’ouvrage s’achève sur une jolie note, sur
un autre tabou, qui n’est pas que lié à la féminité : la sexualité des
personnes âgées. « J’en étais sûre. Le meilleur est à venir. »
136 pages qu’il est bon de lire et de faire
tourner autour de soi, afin de se rendre compte que l’on est toutes différentes
mais bien souvent semblables dans les questionnements qui entourent notre
sexualité et notre rapport au couple, sur notre être au monde dans une société
qui reste dramatiquement patriarcale, ce qui fait peser sur les femmes et sur
les hommes aussi, une chape de plomb dont on peine à se débarrasser.
Et puis c’est édité à La Contre Allée, gage
de qualité.
(Emilia
Sancti)
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