Lucas est un homme qui a parcouru le monde, notamment le Liban et le Canada, vingt années loin de ses terres natales situées dans le bocage, dans l’ouest de la France. Durant vingt ans il a travaillé, aimé, souffert, ses parents et sa sœur sont morts d’un accident de la route alors qu’il était à Beyrouth. Le mal du pays se faisant de plus en plus sentir, Lucas a décidé de revenir, décroche un travail à l’observatoire de l’eau.
Dans une langue soignée et poétique, Cathie BARREAU nous faire vivre le destin de son héros, tour à tour émigré puis autochtone, parsemant ses pensées de souvenirs, délicieuses ou sombres, amoureuses ou désenchantées. Puis s’attarde sur le dérèglement climatique qui entraîne des bouleversements dans le paysage même du bocage, la sécheresse frappant la région. « Septembre avait passé et j’étais lent à trouver mes habitudes dans mon propre pays. Mon poste à l’observatoire de l'eau m’occupait et la sécheresse des mois passés était suffisamment inquiétante pour que je me détourne de mes propres bouleversements. Nous attendions la pluie. Le marais craquait, s’ensalinisait, ne semblait plus grouiller de rien. Les nappes phréatiques étaient au plus bas. On allait restreindre la consommation d’eau ».
Lucas souffre d’isolement, a des difficultés à renouer avec ses vieux repères, d’autant que le marais a changé de visage depuis son lointain départ. La vie s’écoule lentement dans l’angoisse du lendemain. On regarde le ciel, l’espérant chargé de nuages, on observe les oiseaux, leur comportement ne semblant plus le même. Soudain ils se taisent... « L’impuissance à dire l’inquiétude, l’indifférence apparente des uns et des autres ne cachaient qu’une frayeur devant le manque de pluie ».
La pluie est enfin prévue, mais elle pourrait prendre la forme d’une tempête et balayer le bocage avec violence et sans pitié. Il faut alerter les habitants tandis qu’ils commencent à s’interroger sur certains permis de construire délivrés en dépit du bon sens. Alors que le calme semble enfin revenu, un homme inconnu du village est retrouvé mort, et pourrait bien posséder un lien familial avec l’une des habitantes, tandis qu’un certain Grégoire confectionne un avion de ses propres mains…
« L’oiseau blanc » (vous comprendrez la signification du titre en fin de volume) est un très beau texte, subtil et délicat. S’il interroge sur l’avenir de notre planète en se focalisant sur un hameau perdu, c’est aussi pour alerter sur le fait que nous sommes tous concernés. Lucas est un personnage désorienté, comme le climat. Son retour sur ses terres se fait alors qu’un changement majeur est en cours dans le paysage, il se sent migrant chez lui : « J’avais retrouvé mon pays mais j’étais entré dans une réalité inconnue ». Ce roman traite du métissage, des racines profondes comme des difficultés à s’intégrer, à être admis dans un cycle déjà ancien. Il est une interrogation sur notre avenir commun, épaulé par des protagonistes bien construits. Il sait se faire mystère, nous poussant à ne pas lâcher le livre. Il est aussi un appel au collectif, au réveil.
La catastrophe climatique est ici représentée par un paysage à la fois austère et aimé, ce bocage qui souffre, craint la sécheresse comme les inondations à répétition. L’allure du bocage change comme celle du monde, à une vitesse toujours plus délirante. Ce texte est un message d’alerte, il ne commet pas l’erreur de prévenir que le drame est bientôt là, il met l’accent sur le fait qu’il est déjà en cours et qu’il sera bientôt trop tard si nous ne protégeons pas la nature. Mais il est aussi une espérance, les dernières pages en témoignent.
« L’oiseau blanc » vient de sortir aux éditions L’œil ébloui, il est à découvrir pour son élégance de style, sa conscience, sa douceur malgré la tragédie, mais aussi pour sa superbe couverture signée Florence MASSIN qui colle parfaitement au récit.
(Warren Bismuth)
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