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dimanche 8 juin 2025

Nikos KAVVADIAS « Li suivi de De la guerre & À mon cheval »

 


Celui-ci, j’espérais bien tomber dessus un jour ou l’autre, depuis que les splendides éditions Signes et Balises m’ont permis de découvrir et d’admirer le travail de cet écrivain-marin grec, par trois livres succulents : « Nous avons la mer, le vin et les couleurs (correspondance 1934-1974) », « Journal d’un timonier et autres récits » et surtout le prodigieux « Carnets noirs – Œuvre poétique complète ». Kavvadias n’a commis qu’un roman durant sa carrière d’écrivain, mais quel roman ! « Le quart » est un livre rugueux qui marque sur le long terme. Ces quatre ouvrages furent chroniqués sur le blog.

Dans le présent livre, trois nouvelles sont au programme. Brèves. Mais sont-ce vraiment des nouvelles ? Dans la première par exemple, « Li », il est plus que concevable d’y apercevoir un récit de vie, un épisode vécu. Ce bateau avec à son bord un marin d’une quarantaine d’années, faisant escale en Chine. N’est-ce pas l’auteur ce marin qui rencontre une jeune fille chinoise de 10 ans qui n’a jamais vécu à terre, qui porte un jeune enfant, son frère ? C’est elle, du haut de sa jeunesse et de sa fougue, qui va faire découvrir la ville à ce marin entre deux âges. Elle va même lui présenter son père, dans un texte de 1968 en forme de conte qui sait se faire onirique, dans lequel une petite fille guide un homme vers la découverte.

« De la guerre » raconte une tranche de vie, celle d’un homme convoyant une mule quelque part en Albanie pendant la guerre. Il s’approche d’une maison dans laquelle vit un vieil homme, un dialogue s’amorce à propos d’une photo tendue par le patriarche, alors que l’un de ses fils, blessé, agonise dans une pièce contiguë. Le texte est daté de 1969.

« À mon cheval », texte de quelques pages seulement, déstabilisant, pas vraiment une nouvelle, puisqu’une lettre que l’auteur écrit à son cheval mort. Et là, chaque mot, chaque syllabe pèse. Ecrit en 1941, il permet, comme les deux récits précédents, de mettre l’accent la générosité, l’empathie où la simplicité et la compassion règnent. Nikos Kavvadias a vécu une bonne partie de sa vie en mer, mais il pose sa plume sur terre pour conter ces trois histoires colorées. Dans des épisodes isolés d’une vie, des images entre parenthèses, Kavvadias crée un climat unique, intimiste autant qu’universel, pouvant toutefois se faire écho avec l’œuvre de Panaït Istrati (de père grec également). Ce petit bouquin d’à peine 70 pages est paru en 2016 chez Cambourakis, mais il n’est bien sûr jamais trop tard pour le découvrir et se plonger dans l’univers de ce grand auteur, ici magnifiquement traduit du grec par Michelle Barbe.

« Il y a peut-être beaucoup de gens qui trouvent facile d’écrire à des hommes. Écrire à une bête est d’une difficulté inimaginable. C’est pour cela que j’ai peur. Je n’y arriverai pas. Mes mains à force de te tenir par la bride se sont endurcies, et mon cœur pour une autre raison. Mais il le faut. J’en sens la nécessité. C’est pour ça que je t’écris ».

https://www.cambourakis.com/

(Warren Bismuth)

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