Années 1880 dans le Texas : Augustus (Gus) McCrae et Woodrow Call, deux anciens Texas rangers, coulent une vie enfin à peu près paisible à Lonesome Dove après avoir combattu leur vie durant les mexicains et surtout les comanches. Mais un jour, le retour de Jake Spoon, qui a lutté jadis à leurs côtés, vient changer la donne : Jake est en cavale pour le meurtre (accidentel) d’un dentiste. C’est alors qu’il parle à Gus et à Call du Montana comme d’un État de rêve où tout est encore possible, notamment l’espoir d’élever du bétail en grande quantité dans un ranch où la concurrence n’existerait pas encore. Gus et Call cogitent : 5 000 kilomètres avec une bonne équipe pour convoyer des bêtes, c’est costaud mais alléchant. Seulement, la route risque d’être épineuse avec les hors-la-loi, les indiens, les lois de certains Etats, sans oublier la météo qui peut faire pencher la balance. Déjà, il faut du bétail et Gus et Call comptent bien aller se « servir » gratuitement au Mexique avant d’entreprendre ce long voyage, voyage dont plusieurs membres de l’équipée ne reviendront pas, ou reviendront les pieds devant.
Soyons francs : ce gros pavé est une machine hypnotisante où il est impossible de ne pas se prendre au jeu, Larry MCMURTRY ayant fait les choses en grand, ayant concocté un scénario aux petits oignons avec tous les codes du western, il a parsemé son road book de paysages sublimes même si hostiles, il a rajouté l’indispensable page historique sur les Etats-Unis du XIXème siècle, les tensions entre blancs et indiens, mais aussi entre blancs eux-mêmes, mais surtout il a su créer des personnages hors normes, tous différents, forts de caractères, immensément charpentés, tous émouvants, touchants, ce genre de personnages qui vous poursuivent et que vous finissez par vous convaincre de les connaître personnellement. De plus ils ne manquent ni d’humour ni de repartie, ce qui donne un punch supplémentaire à la lecture. Les femmes ne sont pas oubliées, elles jouent un grand rôle dans ce roman, leurs figures sont trempées dans l’acier, elles sont dures à l’épreuve et ne plient jamais. Au-delà d’un convoi qui traverse tout un pays, c’est l’Histoire de ce pays qui est racontée par des personnages flamboyants et démesurés. C’est plutôt la fin d’une Histoire d’ailleurs car, tout comme les indiens, les bisons commencent à se faire rares tandis que le béton se développe, la mentalité évolue, peut-être pas dans le bon sens. Les anecdotes fourmillent à chaque page, impossible de s’ennuyer une seule ligne tellement ce livre est dense et riche.
Maintenant, les statistiques et les chiffres. Car oui « Lonesome dove » est une saga qui nous prend et ne nous lâche plus, et on n’y entre pas comme dans un confessionnal, on sait que la route sera longue, qu’il faudra chevaucher à en perdre haleine aux côtés des protagonistes. Les chiffres qui suivent peuvent donner le vertige, et pourtant tout s’est déroulé sans anicroche, et on en aurait presque demandé à nouveau : deux tomes, 1 200 pages en tout, 102 chapitres, 70 heures de lecture étalées sur un mois (et sans une seule fois faire un « break » vespéral pour lire quelques lignes d’un autre livre), et surtout le sentiment, une fois la dernière page refermée, d’être comme orphelin, une sensation d’avoir laissé filer à jamais des proches, une famille. Mais les séances de rattrapage sont possibles. Je m’explique : « Lonesome dove » est sorti en 1985 aux Etats-Unis. Une suite, « Streets of Laredo » fut écrite en 1993. Problème : pas encore traduite en français à ce jour. Ensuite deux préquelles (les origines d’une histoire écrites pourtant après l’histoire principale) furent publiées : « Dead man’s walk » en 1995 et « Comanche moon » en 1997, la première vient d’être traduite en français sous le nom « La marche du mort », la seconde en tant que « Lune comanche », toutes deux chez GALLMEISTER la Rolls Royce hexagonale de la littérature américaine grands espaces, qui a par ailleurs sorti en poche les deux tomes de ce présent « Lonesome dove ». Pour les deux préquelles comme pour « Lonesome dove », 1 200 pages à se farcir dans les gencives. M’est avis que nous en reparlerons tôt ou tard, en espérant que ce « Streets of Laredo » sera un jour traduit pour clôturer une saga que je désigne sans aucun scrupule comme une aventure unique, une expérience hors du commun, et l’un des plus grands chefs d’œuvre littéraires ayant défilé sous mes yeux encore incrédules. On en ressort comme abandonné mais paradoxalement avec une énergie supplémentaire et des souvenirs plein la tête. Cette histoire, ces acteurs vont trotter un sacré moment dans notre boîte crânienne. Je laisse la conclusion de cette épopée à Gus en m’inclinant profondément et respectueusement : « Évidemment, ces terres appartiennent aux indiens depuis toujours. Pour eux, elles sont précieuses parce qu’elles sont leur passé. Nous, elles nous attirent parce qu’elles sont notre avenir ».
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