Cette nouvelle BD de chez Futuropolis
n’est autre que l’adaptation de la longue nouvelle éponyme de STEINBECK publiée
en 1947, donc on n’est forcément pas en terrain inconnu.
Un couple d’indiens, Kino et sa femme
Juana, dont le fils Coyotito vient d’être piqué par un scorpion à l’épaule. Le
docteur, sachant que les indiens n’ont jamais d’argent, se fait porter pâle et
refuse de soigner l’enfant. Kino, par ailleurs pêcheur de perles, va tout
mettre en œuvre pour trouver fortune grâce à la pêche aux huîtres, et
effectivement dans l’une d’elles se niche une énorme perle, la plus grosse que
le monde entier ait jamais admiré.
Peut-on faire facilement fortune avec une
perle ? La réponse est évidemment
négative : la méfiance, la convoitise, la cupidité, les nouveaux amis
opportunistes, les parents du petit Coyotito ne vont pas tarder à percevoir
l’âme humaine dans toute son horreur. L’argent rend fou ? Ce n’est jamais
aussi vrai que dans cette adaptation très épurée, trois larges vignettes
maximum par planche, pas plus, un minimum de détails, de longs traits
réguliers, serrés, droits ou courbes, des couleurs vives mais là aussi
expurgées, chaque couleur à sa place dans une case, les cases ne se mélangeant
pas. Rien que la couverture de la BD donne parfaitement le ton.
Juana va bien tenter de raisonner Kino qui
perd la raison, elle va vouloir le rendre comme avant, modeste et attentionné,
mais cette diablesse de perle est la plaie de Kino qui ne voit plus que par
elle. Juana proposera bien de s’en séparer, elle la voit comme une malédiction,
Kino s’accrochant désespérément à sa trouvaille.
On n’imagine pas STEINBECK aussi décharné,
aussi vide de paysages, cette découverte en dessins est assez étonnante par
l’image qu’elle renvoie du travail de l’auteur. Pour le reste, les sujets chers
à STEINBECK sont présents dans cette adaptation : la misère, le racisme,
l’isolement, la violence, la cupidité de l’homme blanc, la dangerosité de la
nature. Si le fond est parfaitement dépeint, la forme est déroutante. En effet,
lorsqu’on lit STEINBECK, on voit des couleurs passées, jaunies, voire du noir
et blanc (peut-être à cause de John FORD !). Et ici c’est la vivacité des
couleurs qui saute aux yeux. Les dialogues sont peu nombreux, le silence est
restitué par ce rendu efflanqué, un peu désespéré, aride, même les visages sont
émaciés, les corps maigres aux os pointus.
Cette « Perle » parue en tout
début de 2019 est décidément à découvrir pour tous les amateurs de STEINBECK,
ne serait-ce que pour le découvrir sous une différente facette.
(Warren
Bismuth)
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