Biographie romancée de la poétesse Marina
TSVETAÏEVA par Vénus KHOURY-GHATA, qui s’était déjà frottée récemment à un
exercice similaire par sa biographie d’Ossip MANDELSTAM (chroniquée en nos pages).
Par un style froid, glacial et très distancié malgré l’emploi du
« Tu » (ou peut-être à cause ?), KHOURY-GHATA retrace le parcours
chaotique de la poétesse russe suicidée a 48 ans, épuisée, lessivée par la vie
qu’elle a brûlée par les deux bouts. Issue de la bourgeoisie, TSVETAÏEVA va
connaître le succès dès l’âge de 17 ans avec un recueil de poèmes. Peu après va
se marier avec Sergueï EFRON (lui-même plus tard membre de l’armée blanche),
avec qui elle aura deux enfants dont l’une, Irina, mourra jeune de
malnutrition. Marina et sa famille vont en effet souffrir de la prise de pouvoir
des bolcheviks (elle a il est vrai écrit des poèmes en hommage à la garde
blanche). Déjà, à la mort de sa mère, le tsar lui avait envoyé une lettre de
condoléances, faisant de Marina une suspecte idéale aux yeux des bolcheviks.
De cette vie très agitée, nous retiendrons
les nombreux déménagements, les nombreux pays de tentatives d’implantations
(Allemagne, France, Tchécoslovaquie), sa vie sexuelle débridée et
tumultueuse : bisexualité, nombreux amants avec lesquels elle se comporte
souvent en mante religieuse, sa correspondance effrénée de 25 ans avec Boris
PASTERNAK. « Ton corps repu, tu rentres chez toi et reprends ton
dialogue écrit avec Pasternak. La distance qui vous sépare est garante de votre
amour. Il sera toujours le premier dans tes pensées ».
Évocations de MANDELSTAM, AKHMATOVA,
MAÏAKOVSKI, Nina BERBEROVA, quelques autres, pour bien signifier la période et
la place prise par la poésie.
Un mari, Sergueï, à la fois oublié et
étouffé : « Tu es persuadée que tu le protèges alors que tu le
détruis à petit feu ». Un Sergueï soupçonné de tremper dans une
affaire d’assassinat et qui va être longtemps inquiété, leur logement fouillé
par le K.G.B. Sergueï s’exile à Prague où Marina finit par le suivre. Un fils,
Gueorgui, va naître, on ne sait pas
vraiment qui est le père, Marina le surnommera Mour. Côté tempérament on la
devine narcissique, volcanique, possessive et mégalomane, quel tableau !
On la devine seulement, car Vénus KHOURY-GHATA semble privilégier la forme
(poétique) au fond (parfois brouillon). Elle saute d’une période à l’autre, pas
toujours de manière très fluide. Mais surtout elle paraît écrire certains
passages à la va-vite, notamment cette double coquille « Tu avais
dix-sept ans. Trente ans et soixante kilos te séparaient de lui (Max
VOLOCHINE, nddlr). Tu pesais quarante kilos, lui cent vingt (donc
quatre-vingts kilos les séparaient, nddlr). Tu mesurais cent cinquante
centimètres, lui, un mètre dix (re-sic, nddlr). L’ours et la
poupée ». KHOURY-GHATA, à trop vouloir en faire, laisse son lectorat
sur le trottoir, pour ne pas dire dans le tiroir, d’autant que les redites sont
nombreuses et vraisemblablement pas toujours volontaires. Elles rajoutent de la
lourdeur au récit, y compris lorsque l’auteure francise tous les prénoms.
Marina TSVETAÏEVA se suicidera en 1941 par
pendaison. Dégoût de la vie, de la souffrance, de la misère, de l’abandon
(nombreux sont ses amants qui s’étaient détournés de ses charmes, exténués par
ses demandes d’attention) :
« Mourante,
je ne dirai pas : j’ai été !
Je ne
geindrai pas, ne chercherai pas les coupables.
Il y a
chose plus grave au monde
Qu’orage
de passion, exploits d’amants ».
Elle crève comme une anonyme, elle, la
pasionaria d’une génération. Même son propre fils Mour tournera la tête :
« Empêché de rentrer, il s’en va la tête basse, se réfugie chez un ami,
n’assistera pas à ta mise en terre. Rien que des inconnus autour de la fosse
dans un coin du cimetière du village, sans pierre tombale, sans croix , sans
nom, un 31 août 1941 ».
Paru en 2019 chez Mercure de France.
(Warren Bismuth)
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