Ginette KOLINKA (avec Marion RUGGIERI), dans
son ouvrage « Retour à Birkenau » nous livre le témoignage qu’elle
reproduit inlassablement, année après année, aux classes, aux élèves et aux
enseignant-es à travers l’Hexagone.
Ce témoignage a une saveur particulière, à
94 ans, Ginette KOLINKA se doute que ses escapades mémorielles dans les
collèges et lycées de France risquent d’être plus compliquées. Nous ne pouvons
qu’être admiratif-ves devant cette ténacité dont elle a fait preuve depuis tant
d’années pour aller raconter, expliquer, mais aussi accompagner, lors de
voyages scolaires à Auschwitz, ce que ses compagnons d’infortune et elle-même
ont vécu.
Le livre est divisé en plusieurs parties,
courtes, l’ouvrage étant lui-même très bref (97 pages, dans un format à peine
plus grand qu’un poche) mais est largement suffisant. Ginette KOLINKA raconte
le voyage en France pour remonter jusqu’à Drancy, nous raconte comment elle a
été dénoncée, sans avoir pu jamais savoir d’où venait « la fuite ».
Juste des suppositions.
Ginette KOLINKA a été envoyée vers Birkenau
en avril 1944 : le 16, elle sort du train accompagnée de son père, de son
neveu et de son petit frère. On propose aux plus faibles de partir en camion,
elle encourage son père et son petit frère à monter dedans, pour les soulager.
Elle ne pouvait pas savoir que le camion partait directement pour les chambres
à gaz. Son neveu choisit de ne pas rester avec les adultes et malgré son âge,
part avec le groupe des enfants, parce qu’il s’était lié d’amitié pendant le
transport. Ginette KOLINKA se retrouve donc seule et raconte son vécu, puis son
rapatriement, puis son retour en France. Elle a retrouvé sa mère et ses sœurs
qui ont réussi à se cacher et à ne pas être déportées, et qui peinent à la
reconnaître. 20 ans et une vingtaine de kilos, des traces des sévices vécus, au
corps et au cœur. Un retour à la vie « normale » qui se fait non sans
peine, un bonheur que l’on n’arrive pas vraiment à identifier, des phases de
dépression assez sévères.
Cet ouvrage est rédigé en toute humilité,
tout comme les premières interventions de Ginette KOLINKA dans les classes, au
début des années 2000, alors qu’elle est veuve. Au départ elle décline, ne se
sent pas légitime car selon elle n’a pas assez de culture, trop timide aussi.
Puis elle se laisse fléchir, et elle fonce. Elle donne ce qu’elle a et apprend
elle aussi des choses terribles. Lors d’une visite du camp qu’elle a si
tragiquement trop bien connu, elle apprend, grâce au témoignage d’un survivant
des Sonderkommando que le supplice des gazés durait… 25 minutes. Des
corps emmêlés et tordus que l’on retrouvait en ouvrant les portes pour dégager
les cadavres. Que son block, le 27, était situé tout à côté de l’endroit où
était donnée la mort de la manière la plus barbare qui soit. Ces détails,
l’auteure les donne mais sans aucune forme de pathos, ni de débordement. Fidèle
à chaque témoignage de survivant-es que j’ai pu lire, il se dégage uniquement
des faits, l’émotion est secondaire et l’on sent que c’est le-a lecteur-ice qui
va surtout devoir jongler avec les images que cela évoque.
Ginette KOLINKA nous fait part aussi de
l’impensable pour elle : le long de la rampe, là où débarquaient les
condamné-es, là où étaient triés les individu-es, des pavillons ont vu le jour,
des habitations, avec des toboggans et des jeux pour enfants. Tout ceci semble
tellement irréel.
« Quelqu’un qui n’en connaît pas
l’histoire peut ne rien voir (…) Je ne reconnais rien, rien du tout. »
Une phrase vient clore son récit, une phrase
qui semble irréelle et pourtant, l’ombre du négationnisme plane toujours
au-dessus de nos têtes.
« J’espère que vous ne pensez pas que
j’ai exagéré, au moins ? »
(Emilia Sancti)
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