Ce texte se découpe en deux chapitres et six
brefs sous-chapitres dans un espace temps qui semble s’être arrêté car même si ça
fleure les années 60, cette décennie aurait bien pu s’incruster elle-même dans
une autre, plus récente, comme si le moteur d’une machine à remonter le temps
avait toussé, et avait calé, là.
L’écriture est d’une grande délicatesse,
elle capte un instant, devenu une aventure : « Combien de fois s’est-on trouvé, sur le pas de régions montagneuses,
obligé de rebrousser chemin, surpris par la survenue du brouillard ou de la
neige, à l’entrée d’un vallon ou d’un défilé, au bas d’une comble, n’ayant plus
le cœur ni la permission d’aller plus loin, comme refoulé à la frontière d’un
pays défendu, coupé net dans son élan, forcé de renoncer, alors même que les
contrées qui se dessinaient plus haut, paraissent prometteuses et d’autant plus
tentantes ? ».
Tous les sens sont en éveil dans ce récit
poétique contemplatif. La montagne, dont les courbes sont étudiées avec force
détails, est majestueuse, comme la plaine, la rivière, en diverses régions
françaises, toutes arpentées et énoncées chacune en sous-chapitres, le museau
en l’air pour mieux s’imprégner des odeurs.
Ici l’humain n’entre dans les lignes du
texte que par accident, par effraction oserais-je dire, par de rares bâtiments
ou champs céréaliers. Le reste est une ode appuyée à la nature forte, envoûtante
et éternelle. Les paysages parfois matinaux et brumeux sont peints de manière élégante
et profondément respectueuse par un auteur qui a su stopper sa marche pour
observer, admirer. D’ailleurs, des peintures viennent prendre forme, ou des
photographies, toujours dans l’instant T, celui du pinceau qui se baladera sur
la toile, ou de l’objectif qui saura capturer un moment de grâce.
Puis surgit l’hiver, celui qui fige toute
cette vie. Il faut savoir le domestiquer lui aussi. « Quel sourire de résignation, détaché, arbore la campagne avant de
péricliter, tomber dans l’inconscience, dormir, mourir peut-être, plusieurs
mois, sans rêve, du sommeil de la bête et du caillou sous le froid pénétrant du
solstice d’hiver ? ».
Au cours de ses randonnées dans la nature, Hubert VOIGNIER a immortalisé des images, des sensations, des émotions, des suavités. Et le résultat est ce texte de dédicace aux paysages, un hommage vibrant et sincère paru en 2003 dans la collection Grands fonds des éditions Cheyne.
https://www.cheyne-editeur.com/
(Warren
Bismuth)
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