Dans cette poésie en vers libres, c’est également librement que Myriam OH s’exprime, sans tabou, sans faux-semblants, envoie d’un jet d’une encre coupée au vitriol son sens de la vie.
Myriam OH évoque avec ses mots, durs, frappants, violents, la solitude (volontaire ou subie), la fin de l’insouciance, le devoir d’être soi, de ne pas condamner nos échecs, mais au contraire d’en faire une force. La force est le maître mot de ce texte, même si celui de la liberté lui tient la dragée haute. L’une comme l’autre sont particulièrement difficiles à acquérir. Alors Myriam OH crie sa révolte, sa personne, son identité, avec sa voix puissante, celle de la marginalité.
Ne pas vivre en autarcie mais se méfier de l’influence qu’autrui peut exercer sur soi, ne pas le laisser pénétrer dans notre jardin secret, ne pas le laisser écraser nos fleurs et nos rêves. La revendication de cette poésie féministe contemporaine et résolument moderne est multiple et toujours écorchée vive. Ne jamais placer le physique d’une personne comme choix prioritaire à une relation, mais bien rejeter la chimère de la beauté extérieure, superficialité qui ignore tout des épreuves passées, des traces qui marquent au fer rouge.
L’important est de garder son regard d’enfant pour ne pas sombrer, ne pas devenir aussi étiolé qu’un adulte perdu dans sa routine peu enviable, ne pas s’offusquer cependant des marques du temps sur le corps, tout en se battant contre la réussite, celle des « autres », cette définition subjective et hypocrite (ce qui me rappelle cette phrase de Samuel BECKETT « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Echoue encore. Echoue mieux »).
Ce n’est qu’en marge d’une société stéréotypée que des êtres s’affirment. Myriam OH est de ce bois-là, prenant les bons principes à rebrousse-poil, révoltée baissant la garde mais seulement pour l’amour vrai et pur, celui qui ne doit pas déborder du cadre intime, celui qui ne doit ni être partagé ni même évoqué. De cet amour, des leçons sont néanmoins à tirer : accepter ses propres fautes, ses propres erreurs, ses propres échecs. Redistribuer équitablement le rôle de la femme dans une société gangrenée par le patriarcat.
Dans ces textes chargés d’adrénaline, la fragilité devient force dans un monde rendant pourtant difficile le simple fait de vivre avec soi-même et son ombre encombrante. Le monde désiré d’ailleurs n’existe pas, il est fantasmé car le vrai est cruel et le temps ravageur. Pourtant :
« On
ne peut pas en vouloir au temps
de jaunir un peu les murs
d’effacer les visages les
sourires
d’instants qu’on pensait
immortels
comme ils trônaient dans le
salon
Mais le temps n’épargne rien
et on ne peut pas lui en
vouloir
si ce matin la photographie
est fatiguée
de porter ces visages ces
sourires
qui ne nous ressemblent plus
On ne peut pas en vouloir au
temps
de craqueler les peintures
d’estomper les encres
qui nous ont émus aux larmes
un beau matin
où la pluie ne cognait pas
aux vitres du passé »
Les mots, les phrases de Myriam OH frappent les tympans, navigant sur un océan dystopique aux écumes de doutes et d’angoisses, mais sur lequel il faut avancer vaille que vaille malgré les récifs, avec un corps constamment en mouvement pour atteindre de meilleurs ailleurs.
Quelques illustrations signées pascal GARY agrémentent le propos, un propos dont la colonne vertébrale, le slogan, pourrait bien être SOIS TOI !
« Crie-moi
qu’on va se le faire
ce putain de monde qui nous
ressemble
ce soir j’y arrive pas »
Poésie violente, drapeau féministe au vent, souvent désenchantée mais oeuvrant parfois aux confins de l’utopie, elle est un bilan de notre monde, de nos sensations, de nos rêves échoués au sein de celui-ci, elle est un hurlement sauvage, jamais apprivoisé, une réflexion en marge, ample, qui tend vers l’absolu de la liberté, avec souffrance et éclat. Paru en 2021 aux décidément toujours superbes éditions Lunatique.
https://www.editions-lunatique.com/
(Warren
Bismuth)
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