Il y a 2400 ans, déjà les hommes se faisaient la guerre, et ARISTOPHANE avait créé son personnage de Lysistrata, meneuse d’un mouvement de grève du sexe des femmes, jusqu’à ce que leurs maris arrêtent de combattre.
C’est cette trame que reprend l’auteur roumain Matéi VISNIEC, immigré en France depuis 1987 (ses pièces étant alors interdites dans son pays). Dans la présente pièce il reprend le prénom de l’héroïne d’ARISTOPHANE et la donne en titre, cette Lysistrata comme déléguée de la parole féminine combattante et pacifiste.
Lysistrata nous apparaît d’abord durant la période où ARISTOPHANE l’a sortie de son imagination, en pleine guerre gréco-perse. On y voit les danses des grecs après leur victoire, mais très vite ces mêmes grecs se battent ente eux et se massacrent. Aussi Lysistrata propose, impose presque une grève du sexe à ses camarades femmes envers leurs maris. « Nos hommes reviennent encore vers nous, tous les jours ou presque, pour exiger leur droit à la dose nuptiale de sexe. Personnellement je n’emploie plus le mot « amour » car ce n’est plus le cas. Ils visitent tout simplement et brièvement notre vagin comme si nous étions un somnifère. Et après ils se mettent à ronfler comme les porcs en faisant probablement des rêves de gloire militaire… Oui, notre sexe est maintenant réduit au statut d’organe soporifique nocturne. Tout ce qu’on avait de plus doux, et de plus profond, de plus cosmique et de plus troublant, de plus chaud et de plus touchant, de plus vital et de plus réjouissant, c’est devenu un somnifère. Et si on leur refusait, dorénavant, le somnifère ? ».
La pièce de Matéi VISNIEC navigue entre combat contre la guerre, comique de scène et féminisme. On rit beaucoup et souvent. Une journaliste apparaissant de manière récurrente déambule dans des rues afin d’interroger des passants sur des questions de sexe. Et l’on voit que peu à peu, la société évolue : les homme se font moins hommes et la notion de genre s’invite à table.
Dans l’acte 2 ; l’action a fait un bon de 70 ans. Lysistrata a aujourd’hui 95 ans et elle pourrait bien ne plus avoir les mêmes motivations que jadis quant à son combat d’une vie. Le monde est entré dans une spirale infernale, de tous temps les guerres ont éclaté, et aujourd’hui plus que jamais elles paraissent être le carburant du vieux monde. Alors, faut-il renouer avec des hommes guerriers et protecteurs ?
La pièce de Matéi VISNIEC est intelligente par sa structure en deux entités complémentaires : le lointain passé et le présent, peut-être pas si éloignés l’un de l’autre. Le ciment du texte est cet humour omniprésent au milieu de ces engagements féministes et pacifistes. La question de la féminisation de l’homme est déroulée de manière détournée, et l’on doit lire le passage plusieurs fois pour ne pas se méprendre (en y repensant même avant de s’endormir). Ce texte en français de 2022 est préfacé par Béatrice PICON-VALLIN. Si vous ne connaissez pas encore les éditions l’espace d’un Instant, il peut être un bon tremplin pour les découvrir. Il vient juste de sortir.
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(Warren Bismuth)
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