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dimanche 5 novembre 2023

Panaït ISTRATI & Josué JÉHOUDA « La famille Perlmutter »

 


Ce roman de 1926 fut écrit à quatre mains avec la complicité de Josué JÉHOUDA. Roumanie, débuts du XXe siècle, Isaac, déserteur de l’armée du roi, part vivre en Egypte. Pani Sotir s’y trouve et connaît Isaac. Aussi, faisant le voyage d’Egypte en Roumanie, il court donner des nouvelles du fuyard à ses parents qui font vivre laborieusement une famille juive de cinq enfants, sans aide extérieure.

Avroum le père se confie sur son parcours de miséreux, après pourtant une embellie dans sa vie, mais qui aura été brève, le conduisant d’ailleurs à la prison. Tous ses enfants semblent s’éloigner de lui, rechercher leur indépendance, comme pour le punir de les avoir mal élevés. Pendant ce temps, Isaac travaille avec le juif Binder à Alexandrie. Trouvant sa vie monotone (bien qu’il fasse rudement la fête), il s’enfuit, disparaît. C’est alors qu’il rencontre Yousouf qui devient son confident.

Cet Isaac est un pur personnage Istratien : vagabond magnifique, il donne tout ce qu’il possède, distribue l’argent venant de la charité. Pani Sotir veut lui venir en aide car juge son cas désespéré.

Vient le portrait du frère d’Isaac, Schimke. À son tour victime de violences antisémites, il est même expulsé d’une université pour s’être défendu d’attaques ciblées contre les juifs. Après de nombreuses péripéties il deviendra guide touristique. Bien d’autres portraits jalonnent ce roman entre conte persan et récit politico-social. Les personnages de ISTRATI (même si là il est épaulé par Josué JÉHOUDA) sont toujours particulièrement charpentés et aboutis. C’est encore le cas dans ce roman de l’antisémitisme en Roumanie.

« La famille Perlmutter » est donc le destin d’une famille juive vivant au sein d’un climat délétère particulièrement antisémite. Il est fait d’anecdotes tragiques, drôles ou émouvantes, il dénonce la bêtise humaine, il prend position pour les opprimés, les miséreux, les loqueteux, les vagabonds.

Ce titre est tout d’abord apparu en France, en un ouvrage fait uniquement de ce texte… jusqu’en 1927. À partir de cette date, il semblerait  qu’il ne fut qu’associer à d’autres titres, en versions poche, ainsi que bien sûr dans l’intégrale parue en trois volumes chez Libretto. Pourtant il mériterait une réhabilitation en version isolée, notamment devant la résurgence des actes antisémites un peu partout dans le monde, car il prévient, il alerte, déjà. « La famille Perlmutter » n’est même pas disponible en texte intégral sur PDF, ce qui paraît un comble, étant donné que ISTRATI est depuis longtemps entré dans le domaine public. Quoi qu’il en soit, nous avons là un beau texte touchant, humaniste et empli de cette révolte qui caractérise l’œuvre de ISTRATI. Son Isaac est un personnage que l’on n’oublie pas, comme dans d’autres titres pouvaient l’être son Codine ou son Mikhaïl. ISTRATI reste unique dans son style comme dans son parcours. Même si ce roman est écrit à quatre mains, il est indéniable qu’il en ressort une patte toute Istratienne. Gageons qu’il soit à terme enfin réédité seul, comme par exemple « Tsatsa-Minnka », autre texte fort du l’auteur (et déjà présenté ici), pourtant lui aussi délaissé depuis bien longtemps.

 (Warren Bismuth)

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