Un peuple attaqué par ses propres frères, se défendant, armé, fatigué, épuisé mais déterminé. Une fois de plus, la guerre s’invite sur cette terre belliqueuse, sans cesse outragée. La faim, la soif, le manque. On fume de la bouse, on mâche du cuir. Mais on se bat, on défend ses convictions, on proclame la liberté pour tous.
Une paix se dessine. Déjà on craint la prochaine guerre, les prochains affrontements. On pourrait être habitués, mais non.
« Un messager arrive comme chaque matin de la Grande vallée
L’écume du soleil brille sur son visage
Il serre la grécité sous son bras
Comme l’ouvrier, entre ses mains,
Sa casquette dans une église.
L’heure est venue, dit-il. Tenons-nous prêts.
Chaque heure est nôtre désormais ».
Ils sont prêts à se défendre. À lutter jusqu’au dernier. Le sol va s’ensanglanter, s’emplir de cadavres, de charniers. La liberté est à ce prix. Certains errants magnifiques, cherchent le salut, une terre accueillante.
« Grécité » est un célèbre poème du grec Yannis RITSOS (1909-1990). En quelques dizaines de pages, l’auteur crée un climat oppressant, à la fois désenchanté, violent et plein d’espoir. Ce peuple qui souffre, ce sont les grecs. « Grécité » fut écrit entre 1945 et 1947, durant la guerre civile, juste à la sortie de la deuxième guerre mondiale, sans aucun répit. RITSOS sera emprisonné peu après, en 1948. Dans ce poème épique, il défie les monarchistes, ses adversaires et ennemis.
Cette énième réédition (2023) des éditions Fata Morgana est accompagnée d’illustrations, de croquis plus précisément, de Alecos FASSIANOS. La traduction, un petit bijou, est signée Jacques LACARRIÈRE. Ce court texte est d’une grande puissance, d’une force exceptionnelle, il est de ces poésies qui frappent, qui cognent et secouent.
« Qui aurait dit qu’une moitié d’entre eux est sous la terre
Et une autre moitié dans les fers ?
Par tant de feuilles le soleil te dit bonjour
Avec tant de bannières le ciel resplendit
Et voici les uns dans les fers,
Voici les autres dans la terre ».
(Warren Bismuth)
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