Ce prénom : Simone. C’est le seul indice que nous donnent ce mois-ci les blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores afin de relever le défi du challenge « Les classiques c’est fantastique ». Sujet à la fois vaste et particulièrement resserré pour dénicher un texte classique en rapport. Alors qu’en manque total d’inspiration je désarmais, ce petit bouquin de Simone WEIL, « Grèves et joie pure », s’est dressé devant moi. Et comme un miracle du printemps, ce même livre me sert également aujourd’hui pour ma participation au challenge annuel 2024 du blog Book’ing, avec cet intitulé : « Lire sur les mondes ouvriers et le monde du travail » dont voici le lien :
https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2024/01/2024-lire-sur-le-monde-ouvrier-les.html
D’une pierre deux coups, donc.
Fin 1934, désireuse de se rendre compte par elle-même du travail en usine, Simone WEIL se fait embaucher afin de tenir un « journal d’usine ». Ce sont ces notes, entre autres, qui constituent la première partie de « Grèves et joie pure » avec le texte « La vie et la grève des ouvriers métallos », signé S. GALOIS, pseudonyme de Simone WEIL (qui a alors 27 ans). Daté de juin 1936, il paraît d’abord à la même date dans « La révolution prolétarienne », puis en 1951 dans une collection « Espoir » alors dirigée par Albert CAMUS. Dans ce texte Simone WEIL fait une grande part au caractère psychologique d’une vie à l’usine. Entre les ordres du contremaître (produire toujours plus), ce sentiment d’être devenue une esclave, un être soumis et obéissant, ce besoin de gagner sa croûte pour élever les enfants, acheter de la nourriture, etc., malgré les cadences infernales, le corps qui a mal et les tâches répétitives et automatiques, la vie d’une ouvrière paraît sans espoir. Simone WEIL est licenciée sans explication au bout d’un mois. Il est temps pour elle de témoigner, un peu plus d’un an plus tard.
Les séquelles psychologiques d’une vie à l’usine sont nombreuses, il est difficile de redevenir soi-même après une journée aussi harassante qu’abrutissante. Heureusement il y a la solidarité entre ouvriers, déclenchant une grève pour dénoncer les salaires au rendement provoquant d’importantes disparités pécuniaires entre les salariés. Nous sommes en plein Front populaire, il est urgent pour les prolétaires de revendiquer plus de droits. Dans un deuxième texte faisant directement suite au premier, un projet d’article en fait, l’autrice savoure la victoire des grévistes, avant un bref article sur Roger SALENGRO, alors ministre de l’intérieur (il se suicidera trois mois après cet article, n’y voyez là aucune cause à effet).
Un dernier texte dénonce la position de la CGT (à la fois intenable et indésirable selon Simone WEIL) sur des procédures de conciliation et d’arbitrage, alors que l’autrice est clairement pour le contrôle ouvrier des usines, une sorte d’autogestion en somme.
Cette plongée dans la France prolétaire de l’entre-deux guerre donne un parfum d’optimisme, avec des combats sociaux qui aboutissent, des mobilisations actives et fortement revendicatives. Les événements racontés dans ce tout petit livre sont situés juste avant la deuxième guerre mondiale. Au-delà, il faudra tout recommencer.
La présente édition (de 2016) est signée Libertalia, elle est accompagnée d’une préface de Charles JACQUIER. Un document historique de poids, un jalon de la lutte des classes en seulement quelques dizaines de pages, concentrées et littéraires par leur style, pour ne pas oublier.
https://www.editionslibertalia.com/
(Warren
Bismuth)
Bravo pour le doublé ! J'ai été un peu prise par le temps pour répondre à l'appel des classiques de ce mois, mais je compte bien lire cette Simone avant la fin de l'année, c'est à mon avis une incontournable de la thématique ouvrière...
RépondreSupprimerC'est en le lisant que j'ai réalisé que ce titre entre pleinement dans ton thème de 2024 !
SupprimerJ'ai fait aussi le choix de lire Simone Weil avec "La condition ouvrière" (avec donc ce fameux journal d'usine et tout un tas de lettres et notes).
RépondreSupprimerJe vas lire ton billet de ce pas !
SupprimerCrotte ! C'est sur Instagram et je n'ai pas de compte...
SupprimerC'est marrant, je n'avais aucun doute sur ton choix de Simone. Cela te surprend?
RépondreSupprimerAlors j'ai justement voulu te surprendre, j'ai fait de longues recherches pour trouver une héroïne prénommée Simone dans un roman classique mais n'ai rien trouvé. Près à renoncer pour la première fois au thème, je suis tombé sur la présente référence peu avant la date fatidique ! Tu connais la suite...
SupprimerCoucou ! Chouettes thématiques ! Cette Simone-là est dans mes envies de lecture, à ajouter à tout ce que j'ai lu sur la condition ouvrière (que ce soit au début du XXe siècle ou de nos jours) !
RépondreSupprimerC'est très vite lu en plus !
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