Le challenge « Les classiques c’est fantastique » des blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores commémore simultanément ce mois-ci le centenaire des disparitions de Franz Kafka et Joseph Conrad avec un face-à-face d’anthologie et l’occasion pour Des Livres Rances, non sans avoir à nouveau félicité Moka pour les visuels et l’esthétisme toujours renouvelé pour présenter chaque mois le thème du challenge, de présenter ce recueil de nouvelles « Un médecin de campagne » de Franz Kafka, auteur décédé le 3 juin 1924.
Les deux romans inachevés « Le procès » puis « Le château », mais aussi « La métamorphose » ou « La colonie pénitentiaire » ont en grande partie occulté le reste de l’œuvre de Kafka, l’ont écrasée. Et pourtant… Ce bref recueil renferme quatorze textes. Un quinzième, « À cheval sur le seau à charbon », tout d’abord prévu dans le recueil, fut retiré par l’auteur juste avant publication. Ce livre est l’un des rares de Kafka à être paru de son vivant, en 1920.
Ces textes tous très courts (l’un d’eux de quelques lignes seulement) et variés dépeignent tout l’univers de Kafka, la plupart furent rédigés en 1917. S’il peut parfois apparaître comme un véritable exercice de style (« Au quatrième balcon » par exemple, ne comporte que deux longues phrases), ce recueil est avant tout pour l’écrivain un prétexte à figer des images, des scénettes, comme si l’on scrutait un tableau de maître.
Le texte « Devant la loi », déjà alors publié deux fois, tient particulièrement à cœur à Kafka, qui d’ailleurs l’incorpore également vers la fin du roman « Le procès », publié après sa mort. C’est la plus « Kafkaïenne » de ces nouvelles, celle qui donne le ton de cette future définition et commence ainsi : « Devant la Loi, près de la porte, se tient un gardien. Un homme de la campagne vient trouver ce gardien et lui demande la permission d’accéder à la Loi. Mais le gardien lui dit qu’il ne peut pas la lui accorder pour l’instant. L’homme réfléchit, puis il demande si l’accès lui sera possible un peu plus tard. ‘Peut-être, dit le gardien, mais pour l’instant, non’ ».
Kafka convoque également des animaux, les fait parler dans « Chacals et arabes », un exercice déjà tenté et réussi pour « La métamorphose » en 1912. Puis il nous guide au fond d’une mine, avant de peindre un cavalier impérial portant un message, un récit très « Kafkaïen » là aussi. La nouvelle « Onze fils » renvoie indéniablement aux relations houleuses de l’auteur avec son propre père, alors que déboule « Un fratricide » aux étranges allures de polar.
« Un rêve » est pour le moins surprenant : Kafka y fait revivre le Joseph K. du « Procès », même si ici il se prénomme Josef. Dans ce court texte il n’est pourtant question que de K. amputé du prénom, comme dans « Le château » qu’il écrira ultérieurement. K. visite un cimetière, l’atmosphère est particulièrement gothique, c’est aussi l’un des meilleurs textes du recueil. Le dernier récit, « Un rapport pour une académie », est le plus long. Un singe se met à parler avant de se transformer en homme, dans une critique acerbe de l’humain, avec, toujours en filigrane « La métamorphose ».
Ce recueil n’est pas à sous-estimer. Chaque texte y a son importance par son thème, son style, c’est du pur Kafka. Il est à lire, notamment pour un lectorat novice qui pourrait être – à tort – impressionné par la réputation d’un écrivain souvent perçu comme abscons ou tout au moins difficile d’accès. La passerelle pourrait bien se situer dans « Un médecin de campagne », avec ses envolées lyriques, ses scènes énigmatiques voire fantastiques, ses situations impossibles, tout Kafka est là.
Kafka nous a quittés il y a tout juste 100 ans, pourtant son œuvre continue à se propager, faire réfléchir et séduire.
(Warren Bismuth)
Je pensais lire Le Procès ou Le Château, jamais lus jusqu'ici mais j'ai préféré aller du côté de l'inconnu avec mon titre... J'aurais peut-être dû m'abstenir. Peut--être que ma nouvelle se trouve dans ton recueil? Merci pour ta présence ce lundi et ce samedi !
RépondreSupprimerMerci à toi ! Non cette nouvelle dont tu parles ne figure pas dans ce recueil, je l'ai cependant lue et en effet c'est loin d'être l'un des grands textes de l'auteur.
SupprimerJe vais garder en mémoire cette option "textes courts" pour poursuivre ma découverte de l'oeuvre de Kafka, bien que Le procès et Le château me fassent évidemment de l'oeil aussi !
RépondreSupprimerPas lu ce recueil. Je suis du coup surprise de voir que la partie avec l'abbé dans la cathédrale est en fait composée de la nouvelle "Devant la Loi". Le passage n'est d'ailleurs pas simple avec cette parabole de la porte de la Loi.
RépondreSupprimerJe suis curieuse de découvrir ce recueil, je n'ai lu que des longs récits de Kafka, voir ce que ça donne sur des courts textes m'intéresse !
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