Recherche

mercredi 19 novembre 2025

Peter MAY « Loch noir »

 


Peter May semblait en avoir fini avec sa trilogie écossaise, l’un de ces chocs littéraires qui se terminent toujours trop vite. Il n’en était rien, puisque le bougre remet le couvert pour un quatrième volume se déroulant chronologiquement après les trois premiers.

Une jeune femme de 18 ans, Caitlin Black, célèbre nageuse et animatrice d’une émission de télévision, est retrouvée morte sur une plage de l’île de Lewis en Ecosse, une terre marquée par la religion et les rites ancestraux. Outre le fait qu’elle porte de multiples contusions, elle a été violée et était même enceinte. Seulement, le meurtrier pourrait bien être un certain Fionnlagh, le propre fils de Fin Macleod, ancien flic de l’île parti vivre à Glasgow pour y devenir criminaliste numérique indépendant mais travaillant toujours avec la police, dont on a pu suivre les enquêtes sur l’île dans les trois premiers tomes. Si Fionnlagh est marié et père d’une petite fille, il est pourtant établi qu’il entretenait une relation avec la victime, de 12 ans sa cadette. Fin Macleod se rend sur l’île avec sa femme Marsaili même si le couple bat de l’aile depuis quelque temps.

Fin a longtemps vécu sur cette île, aussi elle regorge pour lui de vieux souvenirs de jeunesse qu’il exhume lorsqu’il chipe le stylo du narrateur. Fin a bien vécu, fait les 400 coups avec de vieux potes, mais il y eut cette vieille histoire de trafics de saumons à laquelle il avait pris part 30 ans plus tôt. Et il a bien connu la propre mère de la victime et plusieurs de ses proches. Ce n’est donc nullement en étranger qu’il se met à fouiner un peu partout pour sauver l’honneur de la famille mais plus encore pour tenter d’innocenter son fils incarcéré. Il va croiser de vieilles connaissances, pas toutes heureuses de le voir de retour.

L’élevage de saumons continue de rapporter énormément, seulement une association environnementale détient des preuves d’un scandale sanitaire majeur qui pourrait exploser d’un jour à l’autre. Caitlin, comme sa meilleure amie Iseabail, toutes deux inséparables et se ressemblant physiquement, aidait l’association en question. Des vidéos clandestines ont été tournées dans les cages des saumons d’élevage et pourraient bien entraîner la fermeture de ce commerce.

Parallèlement, des baleines s’échouent en nombre sur une plage. Marsaili œuvre pour les sauver de l’irrémédiable. Ces pages, quoique atroces sur la souffrance animale, sont d’un profond intérêt pour mieux connaître ces cétacés, en une séquence quasi documentaire qui donne encore pus d’ampleur à un roman qui n’en manque pourtant pas.

Les rebondissements se succèdent comme une sinistre farandole, Peter May se fait virtuose d’un suspense qu’il ménage tout en jouant avec nos nerfs et nos émotions. Son Fin Macleod est un personnage marqué par la vie mais sachant se faire brutal comme tendre, il est bâti de plusieurs facettes comme la plupart des protagonistes que l’on suit dans cette enquête minutieuse savamment orchestrée, en une succession de désirs de vengeance mais aussi d’amour contrariées, empêchées voire impossibles. Car « Loch noir » ne manque pas d’histoires de cœur, mais toutes se rejoignent en une sorte d’impossibilité de dépassement de soi.

La description des paysages de toute beauté est saisissante de vérité, les images défilent comme dans un documentaire environnemental. Car ce roman sait se faire hybride, même si jamais Peter May ne perd la main sur le déroulé de son enquête, poisseuse et rugueuse à souhait.

Sur fond de réchauffement climatique, « Loch noir » est un polar écologique, un constat alarmant sur l’état de notre planète et des procédés atroces mis en œuvre dans le domaine de la pêche. « Un élevage de saumon d’un demi hectare produit autant de déchets qu’une ville de dix mille habitants ». Mené de main de maître, le roman nous dévoile de nombreux et peu glorieux secrets de famille au cœur des grands espaces de l’Ecosse sauvage et ignorée, pour un tout parfaitement régulé, équilibré. Pour reprendre une métaphore sportive éculée, ce quatrième tome est un vrai retour gagnant.

« Loch noir », traduit par Ariane Bataille, est paru cette année aux éditions du Rouergue, c’en est à coup sûr l’un des polars majeurs. Quant à Fin Macleod, reviendra-t-il nous torturer l’esprit ? C’est tout le mal que l’on peut se souhaiter.

https://www.lerouergue.com/

(Warren Bismuth)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire