Jacques JOSSE et son univers unique,
dépouillé, épuré, spartiate. La Bretagne, le crachin, des hameaux sans âge,
pareil pour les bistrots et leurs patrons, les enterrements avec leurs morts
devant, dans des caisses en bois ou des urnes, c'est selon.
Parmi tout ce joyeux peuple, des morts
comme des rescapés, défilé des laissés pour compte, des poivrots, des vagabonds
aux âmes de poètes ou de philosophes à l'identité bretonne bien ancrée. Le
temps est suspendu, en pointillés, place à l'olfactif : odeur de bois
mouillé, de mousse, de lichen, de forêt humide au peuple souterrain, tous les
sens du corps sont en éveil. Et toujours ces hommages aux trépassés :
« À la santé de ceux qui sont dans les tombes ». Et les
cloches qui tintent lentement dans un brouillard ne laissant percevoir que des
ombres.
Ambiance tellement intemporelle car il y aura toujours des chiens de garde derrière les
barrières des propriétés privées pour gueuler sur les étrangers, des bars dans
lesquels le temps s'est arrêté, des cimetières humides avec ces tombes ayant
ingurgité ces croyances. Les morts, ils sont là, par accident, par cirrhose
(non explicite mais ça sent le mélange d'alcools frelatés), par volonté
personnelle. Le personnage principal est la lenteur, la paresse.
Le temps s'est comme figé donc, même
l'horloge semble tourner au ralenti alors que chaque mot, chaque intonation
comptent, au coeur d'un rouage parfaitement agencé : « Vers 15
heures, une longue voiture grise apparaît à la sortie d'un virage. Elle avance
entre les broussailles et roule, au ralenti, en direction du bourg. De nombreux
suiveurs, vêtus de costumes sombres, essaient de lui sucer les roues. Tous
marchent d'un même pas. Leur éloge de la lenteur trouve ici exutoire à sa
mesure. Au soleil, près des murs et des herbes sèches... ». Tout est
imbriqué, vous arrachez un seul mot et la phrase, le sens, le style se cassent
la gueule dans une flaque d'eau boueuse.
On va pleurer un mort et enterrer le XXe
siècle, on est quelque part en Bretagne dans un XXIe qui s'apprête à voir le
jour. En un peu plus de 60 pages, Jacques JOSSE plante un décor qui restera
longtemps à nous hanter, par ses odeurs, ses bruits, ces images, le tout relié sur
le zinc d'une taverne cradingue et enfumée ou dans les allées d'un cimetière de
bord de mer. JOSSE c'est tout ça en même temps, aucun de ses thèmes de
prédilection ne manque dans ce récit sorti en 2004 chez Cadex Éditions. Comme
sur d'autres de ses œuvres, les dessins bruts en noir et blanc de Georges LE
BAYON accompagnent le cortège.
http://www.cadex-editions.net/-Presentation-
(Warren
Bismuth)
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