Ce n’est pas si souvent que l’on a
l’opportunité de lire un auteur Salvadorien de par nos contrées, c’est pourtant
possible grâce au talent de dénicheur de Quidam éditeur. Voici un polar très
particulier dont je vais tenter de vous dresser le scénario de manière aussi
peu confuse que possible. Le narrateur dont nous ne connaîtrons pas l’identité travaille
dans une station de radio pour laquelle il joue de sa voix ambivalente dans des
feuilletons radiophoniques après avoir été acteur de théâtre, accompagné par Gudalupe
Frejas, sa partenaire professionnelle, qui lui donne la réplique. Seulement, il
joue toujours les méchants, les ordures. Possédant une certaine notoriété
auprès des fidèles auditeurs, il est impossible de lui laisser tourner pour des
publicités, sa voix serait immédiatement associée à ses rôles de salauds. Donc
il se retrouve au chômage.
Sur ces entrefaites Gudalupe décède, c’est
là qu’il réalise qu’il l’aimait. Son ombre va d’ailleurs hanter le récit. Un
ténébreux service spécial de police propose à notre narrateur sans le sou un
contrat fort juteux mais qui n’est pas sans risque et dont voici les
données : un type châtain a assassiné un révolutionnaire qui devenait
gênant pour le pouvoir. Le meurtrier, prisonnier politique, serait mort, le
narrateur est recruté pour jouer son rôle vocal, avouer le crime auprès de
journalistes et donner toutes les preuves de l’assassinat en se faisant passer
pour le meurtrier afin de faire croire qu’il est bien toujours vivant.
Ce roman est celui des
faux-semblants : du faux paralytique en passant par la fausse veuve
(quoique !) puis par la fausse amoureuse, les fausses infos des journaux.
Pour les défunctés c’est pareil, il n’est jamais clairement dit qu’ils sont bel
et bien morts, et si ça l’est, c’est parfois démenti quelques pages plus loin.
Où est la vérité ? Y’en a-t-il une d’ailleurs ? Et ne peut-elle pas
jaillir de fausses preuves ? C’est le bal des masqués dans ce polar
atypique. Un personnage peut être un bras armé du gouvernement tout comme un
leader de la guérilla. Les convictions sont sans cesse chahutées, discutées,
infirmées. Qui sont les interlocuteurs ? Qui est cette Maria qui semble
tomber amoureuse du narrateur plus vite que l’éclair ? Et où diable se
déroule l’action ? Au Mexique sans doute, même si rien n’est précisé. Même
chose pour l’époque, on aurait tendance à la situer en 1956, mais là non plus
rien n’est sûr.
Une spirale infernale qui procède par
informations aussitôt contredites pour un récit haletant, sans temps mort (la
brièveté du roman lui donne encore plus de force) et résolument politique. L’ombre
de KAFKA semble planer à chaque page. Derrière les semelles collantes d’une
intrigue sombre et poisseuse, l’auteur sait agrémenter son exposé de quelques
tirades drôles échouées là comme un cheveu sur la soupe (même si l’un des
personnages principaux est chauve).
Le titre est sacrément bien trouvé, car la
voix humaine et le mensonge sont les deux piliers de ce bouquin déstabilisant –
le premier titre édité était « Les années flétries », bien moins
parlant - qui est le premier volet d’une trilogie baptisée « De certaines
façons de mourir… » (d’ailleurs est-ce vraiment une trilogie ? là
aussi les cartes sont brouillées), c’est aussi une nouvelle réédition (de 2018)
et accessoirement un pur régal. Attendons les rééditions des prochains tomes,
si elles sont du même tonneau, nous n’avons pas fini de nous délecter, ne les ratez
pas. L’auteur est décédé en 2011.
(Warren
Bismuth)
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