Un
recueil de 37 nouvelles qui pourraient pourtant être lues comme un roman
autobiographique, comme une suite de témoignages de l’auteur. Comme toujours
chez DE LUCA, les sujets sont variés et la plume flirte avec la perfection.
Tous les thèmes de l’écrivain de 70 ans (il en avait 65 lors de la rédaction)
semblent ici être abordés tour à tour : sa jeunesse dans les quartiers de
Naples, la place prépondérante du père, les luttes politiques dans les
organisations d’extrême gauche des années 70, le travail en usine (là aussi le
combat politique et syndical), l’alpinisme ou comment un homme peut dépasser
ses limites, sans oublier la traduction de l’hébreu à partir de textes
religieux.
Portraits
de petites gens rencontrés çà et là, une évocation toujours pudique et
diablement documentée de l’intime à l’international, des souvenirs personnels
aux actualités mondiales des époques relatées, l’engagement, très présent. Les
anecdotes un peu futiles qui font la force de DE LUCA viennent se joindre au
tout, on apprend par exemple que son vrai prénom n’est pas Erri. Et puis ces
paysages, de la mer à la montagne, l’enfermement, sans paysages celui-ci.
DE LUCA
livre encore une fois un récit judicieux, en tous points magique. On pourra
nous rétorquer qu’il écrit un peu toujours la même chose. C’est absolument
faux. Certaines de ces présentes histoires atterrissent sur le papier sans
jamais avoir été contées avant. Et ici, dans certains des textes, DE LUCA se
souvient de sa mère, pas si souvent dépeinte dans ses livres. De plus, DE LUCA
raconte généralement à partir de ses souvenirs, c’est-à-dire des années 50.
Ici, une nouvelle est consacrée au bombardement de Guernica en 1937, soit avant
sa naissance.
N’oublions
pas que, ayant décidément toutes les cordes à son arc littéraire, DE LUCA est
également poète. Il clôt ce récit en nous en proposant quelques uns, évidemment
d’une beauté sans nom. DE LUCA, c’est ce petit bonhomme sec au visage creusé et
au cœur immense qui porte sa foi sans Dieu, qui fait partager ses souvenirs
sans jamais se mettre en avant et, en fin de compte sans jamais franchement
parler de lui, il préfère esquiver, porter son regard ailleurs, juste à côté,
sur les autres, mais aussi et peut-être surtout sur la nature. Sur les langues
aussi, il en maîtrise désormais tellement.
DE LUCA
est l’un de ces rares intellectuels humbles, justes, timides, humanistes, qui
s’effacent tout en ingurgitant une culture surhumaine. Il la recrache par gouttelettes,
sans jamais en rajouter, sans jamais se passer la brosse à reluire, sans jamais
rouler les mécaniques ou moraliser le discours. Je crois qu’à ma réincarnation,
je désirerais être lui. Ou son message.
« Le plus et le moins » est un récit de 2015, parfait si vous voulez découvrir l’univers de l’auteur, il le résume tout en laissant de fortes parts aux questionnements. Son écriture est une prouesse permanente, son style est peut-être le plus beau de tous les auteurs contemporains. Bon, si après un tel dithyrambe vous hésitez encore, j’abandonne !
(Warren Bismuth)
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