Au début du XXe siècle en France, le prix de
l’hectolitre de vin s’écroule. En cause, plusieurs maladies des vignes
(phylloxéra venu des U.S.A. entre autres). Les petits viticulteurs sont menacés
de faillite alors que se déploie le recours d’aide d’Etat aux vins artificiels
sucrés et farcis de produits chimiques. Devant cette hécatombe annoncée,
certains prennent les devants, notamment un certain Marcelin ALBERT.
Marcelin ALBERT est un vigneron d’Argeliers,
petit bourg situé près de Narbonne dans l’Aude. Un poil inconscient et
téméraire, Marcelin va organiser les premières manifestations en 1907 pour
dénoncer l’effondrement du prix du vin et la prolifération du pinard non
naturel. Ils ne sont que 87 en lutte au tout début, mais rapidement le mouvement
prend de l’ampleur, notamment grâce au journal « Le tocsin », initié
par ALBERT.
Les villes du sud-ouest de la France se
noircissent de cortèges de petites gens s’insurgeant contre la politique
agricole du gouvernement de CLEMENCEAU, alors président du Conseil. Les revendications
pourtant ne se veulent pas politiques, les manifestants demandent simplement
une remontée du prix du vin et un contrôle strict sur sa qualité pour endiguer
la concurrence déloyale des pinardiers de pacotille.
Des maires prennent fait et cause pour le
mouvement, certains en venant même à démissionner pour alerter le gouvernement.
La colère connaît son apogée en juin 1907 lorsque 600 000 personnes (!!!)
manifestent ensemble à Montpellier. CLEMENCEAU commence enfin à paniquer,
envisage de faire capoter le mouvement. Quelques jours plus tard, nouvelle
manifestation à Narbonne, mais là l’armée tire sur la foule alors que Marcelin
ALBERT a pris la fuite dans le clocher de l’église de son village…
Lutte sociale méconnue, la révolte des
vignerons fut pourtant la dernière d’envergure organisée par des paysans, elle
est même un vrai symbole dans le sud-ouest. Dans cette BD originellement sortie
en 1984, ici rééditée en 2015 d’après les planches originales, les dessins en
noir et blanc se marient très bien avec l’ambiance insurrectionnelle, sans en
rajouter. Nous pouvons suivre le parcours de ce Marcelin ALBERT, considéré
comme un apôtre, homme de valeur et de conviction mais un peu « à l’ouest ».
Bonhomme qui tout de suite provoque la sympathie. Le pauvre va être abusé par
CLEMENCEAU lui-même qui va le rendre, par des propos incendiaires, discrédité
auprès de ses frères et sœurs de combat. ALBERT mourra ignoré de tous.
Pourtant, son combat n’aura pas été vain : dès 1907, des lois de
protection du vin naturel seront promulguées en France. Cette révolte des
vignerons aura aussi sans doute été l’une des premières batailles
écologiques !
BD « régionale » passionnante pour cet aspect historique tout à fait frappant, elle est accompagnée d’un DVD remémorant par un court documentaire cette révolte en images, ainsi qu’une interview de Paul ASTRUC (décédé fin 2019 à 94 ans) dont le propre père avait pris part à cette insurrection. Le DVD se clôt sur des clips du groupe de musique traditionnelle moderne occitane OC. Le tout sorti aux éditions Christian SALÈS qui est également réalisateur du DVD. Bel objet pour remettre en lumière un combat courageux et plein de bon sens. Et se dire que peut-être rien n’est jamais joué d’avance.
(Warren
Bismuth)
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