Micheline MAUREL est arrêtée par la gestapo en juin 1943 pour actes de Résistance, est rapidement déportée vers le camp de Neubrandebourg, annexe du sordide camp de Ravensbrück. Elle va y rester deux ans, ainsi que 2000 autres femmes.
Dans ce récit rédigé en 1957, Micheline MAUREL raconte l’indicible, cette vie de privations dans un camp nazi de prisonnières. Peu de françaises parmi elles, la plupart venant tout droit des pays de l’Europe de l’est. Course à la survie, faim et humiliations diverses hante le texte. Les vols, nombreux, signifient pour les victimes la disette (en cas de vol de gamelle, qu’elles finissent par accrocher à leur ceinture), le froid (si les couvertures sont dérobées en plein hiver).
Et puis le troc. Pour un bout de savon, un peigne à poux (bestioles obsédantes). Alors on donne sa ration journalière de pain, pendant plusieurs jours on se contente d’une soupe infecte et liquide, entraînant parfois la dysenterie.
Micheline MAUREL travaille à l’usine, parfois plus de 14 heures par jour. Contre un bout de nourriture dégueulasse. Avant cette journée interminable, l’appel : chaque nom égrené durant plus de deux heures, et cela debout chaque matin, sous les yeux de gardiennes elles-mêmes prisonnières, se démarquant par leur cruauté, leur brutalité. Pas toutes.
Micheline MAUREL écrit des poèmes. Par manque de papier, de crayon, elle écrit parfois sur les volets crasseux des baraquements. Puis on lui offre un carnet. Celui-ci, ainsi que le courage de quelques prisonnières, vont l’aider à tenir le coup, à partager ses vers avec ses compagnes d’infortune. « Je n’ose plus dire que je t’adore… / Je ne rêve vraiment / Que de chauds édredons et grasses nourritures ».
Au bout de deux ans, après l’armistice, libération des camps. Rentrer chez soi dans le sud de la France, retrouver sa famille, ses proches. Oui mais il y a le voyage, avec les russes, les vainqueurs, ceux qui ont libéré les camps et qui profitent de leur toute puissance pour violer certaines anciennes déportées. L’abjection à son comble.
Le retour s’effectue par étapes, passages de nombreuses frontières. Mais les anciennes prisonnières vont-elles être crues sur ce qu’elles ont vécu ? La fièvre et l’angoisse montent, les retrouvailles s’annoncent compliquées.
Micheline MAUREL nous entretient sur plus de deux ans de son quotidien, un témoignage poignant sur la déportation, texte nécessaire pour surtout ne jamais oublier. Assez proche de l’exceptionnel travail de littérature concentrationnaire signé Charlotte DELBO, ce « Camp très ordinaire » ne verse pas dans le pathos, reste digne jusqu’à la dernière ligne. En postface de la réédition de 2016, la plume est tenue par Olivier MAUREL, fils de Micheline, qui propose une biographie de sa mère, décédée en 2009 après une vie de souffrance et de trauma. Quant à la préface, elle est signée François MAURIAC.
Sorti originellement en 1957 chez Minuit, dans cette légendaire collection Documents (idem pour la réédition), à coup sûr l’une des plus belles collections d’essais historiques engendrée par un éditeur.
http://www.leseditionsdeminuit.fr/
(Warren Bismuth)
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