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dimanche 24 septembre 2023

René FALLET « Bulle ou la voix de l’océan »

 


Les deux blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores tenus par Moka et Fanny, organisatrices du désormais célèbre rendez-vous mensuel « Les classiques sont fantastiques », m’ont savonné la planche quant au choix du présent défi, consacré à la littérature jeunesse. Or, en terme de littérature jeunesse, ma culture est à peu près aussi creuse qu’un œuf gobé. Il me fallut donc me rabattre sur un terrain connu et affronter la tempête avec l’un de ces auteurs qui m’a jadis beaucoup accompagné : René FALLET, dont « Bulle ou la voix de l’océan » est le seul texte destiné à la jeunesse.

En premier lieu, la mer. Elle se présente (« Je suis la mer, avec ses poissons, ses baleines, ses jardins engloutis, ses trésors volés au roi d’Espagne, la mer avec ses fleurs, ses nuits noires et ses soleils noyés, la mer avec ses hippocampes, la mer avec ses coquillages, LA MER ») puis nous introduits l’un de ses habitants : Bulle, un coquillage qui prend à son tour la parole.

Bulle fut habitée, d’abord par un mollusque peureux, Gluc, qui ne mangeait que de la laitue, ce qui le perdra, un crabe prenant rapidement sa place pour un nouvel échec retentissant. Puis intervient Petit-Jean de Paimpol, un pirate qui raconte les actes au sein de la frégate « La Désillusion » en 1696, dirigée par le capitaine Miséricorde. Les marins y sont typiques des romans de pirates, ils boivent, gueulent, s’invectivent. Quant à FALLET (1927-1983), il paraît tellement à l’aise pour raconter cette histoire onirique et teintée de mythologie, qu’il ponctue certains passages de son style, typique lui aussi : « Ils s’assénèrent quelques bourrades à renverser les tours de Notre-Dame ».

Dans des circonstances singulières, Bulle arrive sur « La Désillusion » qui ne tarde pas à entrer au port de Nantes. Là, les morts commencent à tomber comme des grêlons sur une vigne asséchée. Bulle est dotée d’un don, celui de pouvoir murmurer à ceux qui la prennent en main puis la collent contre leur oreille afin d’entendre le bruit de la mer. Ce qu’elle chuchote est selon son appétence pour le personnage : tantôt de douces mélodies, tantôt des bruits désagréables ou qui effraient. Elle parvient à terre où elle aimerait découvrir son corail, passe de mains en mains et même en pattes.

Après bien des péripéties, Bulle est un jour adoptée par Petit-Pierre, un jeune enfant de 11 ans, sourd, mais lucide : « Jamais je n’entendrai le bruit du canon, ni celui du mensonge des hommes, ni celui du piège qui claque sur les bêtes ». Bulle va le bouleverser, puis le guider dans leur nouvelle vie.

Roman sur la tendresse, l’amitié, il représente l’une des nombreuses facettes de FALLET, celle d’un homme sensible, bienveillant, imaginatif. Le récit fantastique, peuplé de crabes, de méduses, d’hippocampes et bien sûr de pirates se lit comme un conte, il est truffé d’humour, de légèreté et de quelques personnages hauts en couleur comme sait si bien les décrire FALLET, grand ami de Georges BRASSENS. Le texte est ici agrémenté de superbes illustrations de Mette IVERS qui complètent le récit à merveille, un roman émouvant et drôle, on aime FALLET pour ceci : capable de nous embarquer librement dans son univers particulier sans forcer son talent. Il peut être gouailleur voire un brin cabotin, en faire des tonnes, mais là il se contente de faire plaisir aux enfants, il reste sobre (ce qui n’était pourtant pas l’une de ses qualités majeures !), intimiste. FALLET est à redécouvrir, pour l’homme qu’il fut, mais aussi pour le romancier un peu trop rapidement classé dans la catégorie des auteurs populaires voire populistes. Son talent va bien au-delà de cette réputation réductrice. Et il me plaît grandement de vous le présenter sous l’aspect à contre-courant d’un auteur de contes pour enfants. Il est décédé il y a exactement 40 ans, sa mémoire mérite que l’on se penche à nouveau sur son œuvre un peu (déjà !) oubliée.

 (Warren Bismuth)



7 commentaires:

  1. J'ai lu également le seul livre de jeunesse d'un auteur (Tistou les pouces verts de Maurice Druon).
    Je ne connaissais pas ce Bulle.

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  2. Oh tiens, ça secoue de vieux souvenirs ... mais alors très imprécis. J'ai dû en lire un ou plusieurs extraits enfant.

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    1. Il est même possible qu'il ait été étudié en classe.

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  3. Un titre que j'ai lu plus jeune. Je me souviens de cette référence très poétique mais le reste m'échappe... Je devais avoir... 11 ou 12 ans...

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  4. Je ne connais ce poisson que de nom mais on dirait bien qu'il mérite le coup d'œil !

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  5. On se doutait sur certain.es allaient être perdu.es pour trouver un livre sur ce thème 🙈 mais tu t'en es bien sorti !

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  6. Je ne connaissais pas du tout. Je le note pour plus tard, pour un moment roudoudou. Merci pour le partage.

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