Si l’action se déroule en vase clos, elle
évolue rapidement. La femme du narrateur se rapproche de plus en plus de la
nature. La première conversion pourrait bien être cette admiration qu’elle a
soudain pour un lièvre. Très vite, elle commence à se prendre pour un animal,
devient animale pour ainsi dire.
L’homme de son côté confectionne des appeaux
pour entendre sa femme crier par leur biais, elle qui éprouve une empathie
débordante pour la nature, allant jusqu’à demander à être enfermée dans un
chenil au fond du jardin avant de rêver que les animaux échangent leurs vies,
la vache se mettant par exemple à voler. Elle se met tellement à se muer en
animale que même son odeur corporelle évolue en ce sens, elle change de monde,
de repères, de valeurs.
Dans ce curieux texte d’aspect fantastique
et presque gothique, Hélène Lanscotte va jusqu’au bout de la pensée du retour à
la nature, là où une femme se transforme en animale, sous le regard
bienveillant et même encourageant du mari. C’est le règne de l’anthropocène qui
prend fin, une égalité de tous temps utopique qui prend enfin forme, jusqu’à
une totale métamorphose, prenant pourtant racine dans un monde ancien :
« Et il me revient en mémoire ce
souci des premiers voyageurs du chemin de fer, de savoir si les yeux
supporteraient un défilement de visions plus rapide que celui de la vitesse des
chevaux ».
Ce récit poétique et profondément onirique nous entraîne dans un univers inconnu, et pourtant si proche de nous puisque évoluant à nos côtés. Deux mondes s’enlacent et se confondent, « Son ombre n’est pas son ombre mais celle d’un sanglier ». Très beau texte sorti en 2024 chez Cheyne, plus précisément dans la prestigieuse collection Grands fonds, il est moderne, actuel et permet de se poser des questions uniquement délicatement suggérées entre les lignes.
https://www.cheyne-editeur.com/
(Warren
Bismuth)
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