Ce recueil de dix nouvelles, paru en 2002 et traduit en France en 2004 par Anne Wicke, renferme quelques trésors. Toute l’âme humaine semble ici scrutée, examinée à la loupe, dans des paysages grandioses dont Bass détient le secret afin de les dresser pour un décor toujours somptueux.
Une femme, un homme et des chiens pris au piège sous la glace d’un lac où un nouveau monde s’offre à eux. Ou encore cette femme pétrissant du pain avec amour pour le distribuer à des cygnes tandis que son mari coupe méticuleusement des arbres morts en vue de lui offrir un piano. Et ce pompier volontaire dont l’auteur décrit les interventions et la vie de famille dans un vibrant hommage aux soldats du feu.
Vient cette exploration souterraine d’un couple au cœur d’une mine désaffectée, puis cette personne étonnante qui ramasse du crottin de wapiti et achète des mèches de cheveux aux habitants, sans oublier ce hibou grand-duc coincé dans un canoë sur le toit d’une voiture lancée à pleine vitesse. Autant d’images très fortes qui restent en mémoire. Car l’écriture de Rick Bass, harmonieuse, poétique, envoûte. Il n’a pas son pareil pour conter des anecdotes futiles du quotidien, la force de sa plume entraîne son lectorat sur des terres inconnues comme un témoignage contemporain ainsi que d’un temps révolu.
Rick Bass fait la part belle aux grands espaces, à l’hiver qui s’installe sans partage dans le Montana par exemple. Il dépeint puissamment un monde rural, parfois montagneux, coupé du monde, il met en scène des êtres et surtout des couples fragilisés par la rudesse de leur existence. Chaque nouvelle est un éternel recommencement, Bass ne bégaie pas même si certains personnages d’une nouvelle semblent ultérieurement s’inviter dans une autre, magie de la littérature.
Rick Bass est de ces écrivains d’une adresse redoutable. Il vous prend par le bras et vous entraîne au sein de ses histoires, qu’il n’a d’ailleurs sans doute pas véritablement inventées, tant leur évocation est authentique. Et aussi parce que lui-même connaît très bien les paysages qu’il nous fait traverser. « L’ermite » est un recueil magnifique, porté par des séquences inoubliables au cœur de la nature sauvage. Bass est un écrivain à part, précieux car il a peu écrit de fictions, quatre romans et sept recueils de nouvelles, étant d’ailleurs surtout connu pour ses essais.
Revenons aux nouvelles. Chaque séquence compte car dans le petit rien des petites gens se cache souvent une anecdote forte, un tableau qu’on n’oublie pas. En quelques pages seulement, Rick Bass sait faire vivre des familles, des personnages rustiques, vrais, des couples boiteux perdus dans des paysages grandioses. Ses nouvelles sont parmi les plus fortes que l’on puisse lire dans le style. Il s’encombre rarement sur la longueur sans pour autant précipiter leur fin. Il sait prendre son temps. Hélas, il est assez peu relayé en France, la plupart de ses ouvrages étant épuisés chez les éditeurs.
Avant « L’ermite », je m’étais délecté avec un autre recueil, « Dans les monts Loyauté ». Je ne peux – et ne souhaite - pas tout chroniquer, mais je vous invite à le lire aussi. Quant à moi je continue mon exploration des recueils de nouvelles de Rick Bass, « La vie des pierres » fut un autre voyage étonnant. Je ne vous en parlerai pas, mais le cœur y sera. Sachez que chaque nouvelle est un éblouissement, une empreinte à mon goût bien plus profonde que ses romans car Rick Bass est définitivement un auteur du bref, de l’instant, format qui permet de retranscrire toute l’intensité des scènes. Je me répète et je m’en excuse, mais lisez Rick Bass !
(Warren
Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire