Ce n’est que le début le début de l’été, l’un de ces étés du XXIe siècle, et déjà le ciel est scruté car la sécheresse a débuté. Le soleil tape fort, sans rémission, alors que les incendies sévissent au loin. Pas si loin en fait. De plus en plus de feux et de moins en moins d’eau pour les éteindre. Monde fou et paradoxal, d’autant que l’eau, aussi gratuite que l’air, se négocie désormais, s’achète et se vend, mieux : se vole. Car précieuse.
Devant l’incendie, les oiseaux sont paniqués, en perte de repères, les végétaux en manque d’eau, sa rareté semble faire s’éloigner la vie, à pas de plus en plus rapides, mais « d’ici un an ou deux on aura l’habitude ». Et c’est bien tout le nœud du problème. On n’a plus le choix que celui de prendre l’habitude puisque le réchauffement climatique est en marche et qu’il ne pourra reculer. L’image médiatique ou celle d’Epinal de la chaleur et du temps ensoleillé a changé : « Ça y est enfin / cette année les journaux / ont cessé d’illustrer leurs reportages / avec des vidéos d’enfants à demi nus / qui jouent / qui rient / sous les jets d’eau des fontaines. // Maintenant on voit les images / de terres craquelées / de terres calcinées / de sources à sec / de maraîchers en pleurs / parmi leurs plants avortés / de vieillards suffocants dans leur fauteuil / de bébés qu’on endort avec des blocs de glace ».
Alors à quoi bon ? À quoi bon transmettre la richesse de cette nature, le respect qu’il nous faut lui apporter ? À moins que… Malgré les images d’une catastrophe annoncée, malgré la déforestation, les ruisseaux asséchés, le manque d’eau. Irène Gayraud amorce un débat sur les restrictions d’eau, avec quelques privilèges de distribution, à peine voilés, et tandis que dans ce monde désorienté on replante des arbres là où on les avait jadis coupés. Et la nature qui prévient tant et plus, réapparition des pierres de la faim, un signe effrayant. L’eau toujours. Et quand elle arrive enfin, c’est par trombes, trop de pluie d’un coup pour être absorbée par les terres, dans un sinistre ballet de dérèglement climatique.
« Passer l’été » est un poème écologique en vers libres en forme d’alerte sur la catastrophe écologique planétaire en cours. Quand la nature ne parvient plus à se reconstituer, quand elle semble avoir perdu la mesure, il est temps non seulement de constater, mais de dénoncer et de proposer. C’est ce cri de l’énergie du désespoir que pousse la poétesse Irène Gayraud dans un texte resserré, adroitement construit, « emboîté », montrant l’absurdité dans laquelle nous sommes parvenus, dans un monde qui court à sa perte presque « naturellement » tant tout a été fait pour ne pas qu’il survive. Très beau poème paru en 2024 dans la belle collection La sentinelle des éditions La Contre Allée, il représente cette urgence climatique en cours pour que ne se produise pas l’irréparable, même s’il est déjà en cours.
(Warren
Bismuth)
Je l’avais repéré celui-ci, merci pour le rappel (involontaire ;-))
RépondreSupprimerJ’ai acheté le « Brûlées » sur tes conseils. Je le lirai d’ici cet été.