Palpitante BD ! Les auteurs se sont attachés à
« ressusciter » une sauvage du XVIIIème siècle dont le parcours a été
aujourd’hui en partie effacé, notamment par l’intérêt suscité par les enfants
sauvages Victor de l’Aveyron et le célèbre Kaspar HAUSER, bien plus
« médiatisés ». Le travail s’annonçait ardu puisqu’il ne reste que
peu de traces attestant de la vie de Marie-Angélique selon les auteurs
(certaines sources font au contraire état de nombreuses preuves). Quoiqu’il en
soit, les deux scénaristes et la dessinatrice se sont appliqués à respecter les
pistes existantes. Contrairement à Victor ou Kaspar HAUSER ce n’est pas une
enfant qui est trouvée, mais bien une femme d’environ 29 ans (l’imprécision est
due à un acte de naissance par la suite falsifié), dans un village de la Marne.
Son cas va attiser les conversations et les supputations les plus folles, et
des aristocrates vont se l’accaparer, comme souvent en de telles circonstances.
Elle va même aller faire un tour dans plusieurs couvents (elle a peur des
hommes) mais ne trouve sa place nulle part. Le fait notable est qu’elle va
rapidement s’adapter à la vie humaine, sachant lire et écrire, ce malgré son
horrible inconfort en présence de ses frères humains (on parlerait aujourd’hui,
sans doute en partie à tort, de misanthropie). On apprend qu’elle a vécu 10
années en forêt avec une jeune noire, que ne parlant pas le même langage, elles
converseront par signes, bruits et borborygmes. Sa comparse sera assassinée et
Marie-Angélique sera même pour un temps accusée du meurtre qu’elle n’a pourtant
pas commis. Cette vie est contée avec force détails concernant les dates pour
lesquelles des éléments de son existence ont été retrouvés, mais aussi de
manière assez onirique et plus légère sur les parties imaginées. Ce qui est
sûr, c’est que Marie-Angélique a vu du pays et a pas mal traversé la France. Ses
origines sont incertaines selon les auteurs mais paraissent se trouver du côté
des Etats-Unis, amérindiennes pour être précis lorsque l’on fait un peu de
recherches. Les flashbacks sont nombreux mais n’handicapent pas du tout la
lecture. Au contraire, ils permettent de comprendre ce qu’a été ou ce que peut
avoir été la sauvageonne. Les dessins réalistes de couleurs surtout pastel sont
très crédibles et accompagnent parfaitement le scénario. La BD est épaisse
(plus de 200 pages) et se termine par un petit dossier très ludique dont une
phrase devrait vous inciter à aller creuser plus loin : « Il était vraiment exceptionnel à cette
époque qu’une femme vive seule et qu’elle ne soit ni veuve, ni mère, ni nonne,
ni prostituée ».
(Warren Bismuth)
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