Pour tout dire je suis très loin d’être un familier de MAGELLAN.
Cette biographie de Stefan ZWEIG, spécialiste du genre, allait forcément un peu
mieux m’éclairer. Par un travail minutieux, ZWEIG retrace la vie (et la mort
cela va de soi !) du célèbre navigateur portugais. En fin de XVème et
début de XVIème siècles, le Portugal est la première nation maritime mondiale.
Les tensions avec l’Espagne voisine sont fortes et les deux pays se disputent
l’hégémonie. MAGELLAN, après plusieurs années passées dans les Indes, revient
au pays sans gloire particulière ni très considéré par ses semblables. À partir
de 1517, il décide de préparer un voyage déraisonnable : faire le tour du
monde. Aidé de cartes (qui s’avèreront erronées !), il se sent capable de relever
un défi qu’aucun homme n’a pu jusqu’alors réaliser. Son but est de trouver une
route maritime inexplorée qui relierait l’océan Atlantique au Pacifique afin de
rejoindre les îles des Moluques, paradis des épices, à l’époque considérées
comme de l’or en Europe. Après de nombreuses péripéties, il soumet son projet à
Charles QUINT, roi d’Espagne et donc adversaire acharné du Portugal. Contre
toute attente Charles QUINT accepte de financer le projet. Le commandement de
MAGELLAN pour cette expédition sera rapidement contesté car l’équipage est en grande
partie constitué de marins espagnols. C’est en 1519 qu’appareillent les cinq
navires de la flotte espagnole. Après des désagréments incessants, une
mutinerie à bord, des condamnations à mort (exécutées), la famine (la
nourriture a fini par ne plus être comestible), le scorbut, un navire perdu, un
équipage décimé, des pillages sur la route, la découverte de la Patagonie, des
Philippines, de nombreuses fausses pistes, MAGELLAN et ses hommes aperçoivent
enfin, presque par hasard, ce « canal de la Toussaint » (appelé ainsi
par MAGELLAN lui-même car découvert un 1er novembre) qui deviendra
le détroit de MAGELLAN. Il ne reste plus qu’à foncer aux îles des Moluques. Peu de marins reviendront en Espagne en vie, et c’est paradoxalement le
lugubre DEL CANO, pourtant à l’origine de la mutinerie, qui récoltera les
lauriers près de 3 ans après le départ, en ne ramenant pourtant qu’un seul
navire mais 26 tonnes d’épices si convoitées. L’Espagne s’enrichit d’un seul
coup. Par cette biographie romancée de 1938, Stefan ZWEIG montre un talent hors
pair pour nous plonger (et sans vilain jeu de mots) dans l’action
immédiatement, nous faire vibrer sur ces bateaux majestueux. Il parvient à
rendre sympathique ce MAGELLAN que pourtant tout au long du récit il ne cesse
de qualifier de « taciturne ». Cette biographie se lit comme un roman
et s’avère être un plaisir incessant empli d’informations judicieuses et
précieuses. Derrière l’exploit de ce tour du monde, ZWEIG met le doigt sur deux
découvertes beaucoup plus impressionnantes que ce voyage pourtant unique et
précurseur. En effet, que signifie un « tour du monde » ?
Simplement que la terre est ronde. Pourtant GALILÉE fera les frais de cette
affirmation, un peu plus de 40 ans après l’exploit de la flotte de MAGELLAN.
Les croyances sont tenaces. De plus, les marins qui étaient certains d’arriver
un jeudi bouclent leur épopée un mercredi. Incroyable, il doit y avoir une
erreur quelque part, une mouche dans le lait. En fait on vient de découvrir
l’existence du décalage horaire.
(Warren Bismuth)
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