Biographie
romancée du sinistre docteur MENGELE, expérimentateur en chef du corps humain
(juif de préférence), spécialiste en gémellité. Après la seconde guerre
mondiale durant laquelle MENGELE fut une pièce maîtresse du IIIème Reich, il
passe sa vie à se planquer. Traqué, recherché, puis oublié, à nouveau traqué.
Pourquoi il fut si difficile voire impossible de mettre la main sur ce docteur
de la mort ? Les raisons sont certes nombreuses, l'une d'elles vient
cependant du fait qu'en refusant de se faire tatouer son numéro de matricule
lorsqu'il entre dans les S.S. en 1938, il sera moins repérable par la suite.
Ses expériences innommables – et innombrables - à Auschwitz sont peu
développées dans cet ouvrage, l'auteur préférant se recentrer sur le parcours d'Herr
Doktor après 1945, sa fuite en Argentine, accueilli à bras ouverts par Juan
PERON, le dictateur argentin mettant en œuvre à son tour le national-socialisme
dans une version plus « prolétarienne ». GUEZ en profite pour brosser
une rapide biographie de PERON et de sa femme Eva. Nombreux sont les anciens
nazis réfugiés dans des pays d'Amérique centrale ou du sud, les dirigeants leur
déroulant le tapis rouge. Les ex soldats du Reich se prêtent main forte lors de
coups durs ou de traques trop vives. À cet endroit du globe, on attend
impatiemment la troisième guerre mondiale que la guerre froide pourrait provoquer,
on souhaite un coup d'État en Allemagne pour nettoyer le pays des vilains
démocrates installés au pouvoir. Mais revenons à Josef. Parcours chaotique, intéressé.
Il haïssait son frère, seulement le frangin a dévissé son billard. Quoi de
mieux pour le bon docteur de se mettre en ménage avec la veuve – sur les
conseils du paternel – afin que les parts dont elle dispose dans les affaires
MENGELE restent dans la famille. Après le coup d'État de 1955 avec l'expulsion
de PERON de son moelleux siège, ça commence à sentir ferme le roussi en
Argentine pour les anciens nazis, MENGELE se planque au Paraguay (il y acquerra
la nationalité paraguayenne), puis au Brésil. Entre temps, les « chasseurs
de nazis » israéliens (dont le Mossad) ont capturé l'ignoble Adolf
EICHMANN, encore une pointure du Reich, et GUEZ saisit l'occasion pour nous
rappeler le parcours de ce nazi actif. La fin de vie de MENGELE est pathétique.
Malade, diminué, il reprend contact avec son fils, il n'a plus un rond, se
traîne, déprime. Les mauvaises nouvelles pleuvent. L'une des pires pour le
docteur est la déchéance de ses diplômes universitaires pour avoir trahi le
serment d’Hippocrate à Auschwitz. Puisque GUEZ doit évoquer les années 60 et
les planques de MENGELE, il balance au passage une courte radioscopie de l'état
du monde durant cette décennie. Ce bouquin de 2017 est intéressant, n'en
doutons pas un seul instant, il est documenté, mais il a un peu de mal à
devenir prenant, sans doute à cause de cette écriture froide, lisse, comme
distanciée, dépourvue d'émotion, en un style journalistique qui relate sans aucune
aspérité, c'est dommage, ça handicape pas mal la lecture, ça n'encourage pas la
vibration. Et puis il y a ce choix encombrant de romancer parfois jusqu'à la
nausée : si ça peut payer, d'autres fois ça casse voire ça lasse (qu'ils sont
longs et inutiles – et pas d'un style littéraire très jouissif ni très réussi -
ces passages vaguement sexuels où l'on croirait que l'auteur hèle le chaland en
lui laissant deviner quelques poils pubiens censés paraître licencieux, ou lorsqu’il
évoque un taillage de plume derrière un buisson discret ! Etait-ce nécessaire
pour la bonne compréhension de l’ouvrage ?). Qu'elles sont longues ces
scènes ou tout en reluquant des fesses rebondies, MENGELE ressasse sa haine du
genre humain. Ne pas s'arrêter sur ces détails me paraît indispensable pour
bien profiter des vraies informations contenues dans cette biographie. L'auteur
a obtenu le Renaudot 2017 pour ce travail sérieux parfois juste un brin soporifique.
(Warren Bismuth)
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