Le
titre dit à peu près tout. Rajoutons la date : 1917, et vous saurez qu’il
s’agit ici de chroniques, d’une sorte de journal de bord au cœur de la
Révolution russe. L’auteur, né en 1884 dans une région de la Pologne à l’époque
détenue par la Russie, écrit en Yiddish. Ce livre est aussi un périple puisque
SEGALOWICZ va aller prendre la température à Moscou, Petrograd, en Ukraine,
Crimée et Biélorussie, le tout entre 1917 et 1919, dans un pays de quelque 160
millions d’habitants.
Il
va vivre certes au cœur de l’action, mais dans un relatif détachement, car
somme toute sous couvert de neutralité. S’il vibre pour la Révolution en
préparation, il n’en fait pas un but ultime, il observe, constate que sous le tsarisme
tout n’était pas si noir. Il voit les affrontements en cours entre les rouges
et les blancs, mais c’est loin d’être une partie de football.
Le
tsar Nicolas II abdique en février 1917. Commencent des négociations entre les
différentes factions de la « gauche » qui durent plusieurs mois. Tout
ceci fait aujourd’hui partie de l’Histoire mais lorsque SEGALOWICZ écrit dans
son carnet, la situation explosive est vécue en direct. Il ne fait cependant
pas l’impasse sur l’année 1905 qui a vu une première approche, une première
tentative de prise de pouvoir. Il se souvient, il note comme des bribes, des
souvenirs lointains, précis ou non.
Dans
ses déplacements, l’auteur, lui le juif, remarque partout une montée violente
de l’antisémitisme, se sent touché au cœur, pour lui, pour son peuple. Il note
une situation tendue et chaotique en Ukraine. Alors que les blancs ne viennent
que d’être terrassés et que le pouvoir en place n’en est qu’à ses premiers
balbutiements, il s’acharne déjà sur les minorités, ce qui laisse présager une
suite peu enthousiaste.
Et
puis les anecdotes en direct, plus personnelles, pas directement en provenance
du front mais tout aussi innommables : « Je me souviens encore qu’il y avait une pièce où se trouvaient alités
une dizaine d’enfants atteints de la rougeole. Un jour où j’étais monté voir
ces enfants en compagnie d’une infirmière, nous avons découvert que deux
d’entre eux avaient rendu l’âme… et que les vivants jouaient tranquillement
avec les morts qu’ils caressaient et prenaient dans leur bras ».
SEGALOWICZ
a beaucoup écrit, a connu un parcours riche et dense, a visiblement été
relativement connu en son temps. Quoi qu’il en soit, c’est ici la première fois
que j’en entendais parler, ce journal est une source fertile en informations.
Les éditions Interférences sont coupables de cette publication parue en 2016,
la couverture fort attractive également est le détail d’une gravure illustrant
la vie de LÉNINE. La traduction ainsi que la préface de l’ouvrage (une
biographie rapide de l’auteur), qui ont dû s’avérer coriaces, sont le travail
de Nathan WEINSTOCK, bravo Monsieur ! Un bouquin à posséder si l’on tient
à se nourrir de détails dans le feu de l’action de la Révolution russe, celle
d’avant STALINE, celle qui se construit de manière un peu improvisée, en 1917,
au jour le jour.
(Warren Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire