Ce recueil du prix Nobel de littérature 2018 renferme 11 nouvelles, pas toutes inédites, puisque sur le blog avait déjà été présenté « Les enfants verts », nouvelle parue à l’origine chez La Contre Allée en 2018, et présente ici de manière légèrement remodelée.
Olga TOKARCZUK semble s’amuser à brouiller les pistes tout au long de ces récits, tour à tour mystérieux voire gothiques, puis dystopiques, futuristes, s’appuyant sur une science à venir poussée et basés sur des recherches en cours. Seule la nouvelle « Les enfants verts » se déroule dans un lointain passé, en l’occurrence le moyen-âge.
La plupart de ces textes sont brefs, parfois quelques pages seulement, seules les deux dernières nouvelles sont construites comme de petits romans. Toutes sont destinées à faire peur, mais pas gratuitement, puisque l’âme humaine y est scrutée avec force détails, elles forcent la réflexion, dans une écriture ronde et ciselée. Une ambiance très XIXe siècle peut se dégager d’un récit, puis tout à coup climat d’anticipation avec des humanoïdes pouvant s’avérer effrayants.
Le talent réside bien dans la variété des récits. La quatrième de couverture intrigue en annonçant un monde entre Edgar Allan POE et la série « Black Mirror », ceci semble pour le moins saugrenu, et pourtant ces références sont diablement pertinentes. Il est en effet impossible de ne pas songer à l’une ou l’autre au cours de la lecture. En effet, ces nouvelles forment un tout, que l’on pourrait désigner comme l’évolution humaine au fil des derniers siècles, et ce jusque dans un futur plus ou moins proche.
Derrière cette atmosphère mystérieuse, inquiétante voire angoissante ressortent quelques facéties, des drôleries qui ne sont pas des blagues de potache mais s’intègrent harmonieusement, formant un tout très homogène. À noter cette splendide couverture qui donne le ton.
Les nouvelles futuristes sont teintées de science-fiction, appuyées par les technologies actuelles et les possibilités de leur avancée prochaine, y compris concernant les pertes de liberté individuelle. C’est sorti dernièrement aux éditions Noir sur blanc, qui ont fait paraître par ailleurs d’autres livres d’Olga TOKARCZUK. Traduction du polonais par Maryla LAURENT.
« Le monde sauvage. Sans êtres humains. Nous ne pouvons pas le voir car nous sommes des humains. Nous avons choisi de nous en distancier et, désormais, pour y revenir, nous devons changer. On ne peut pas voir ce dont on est exclu. Nous sommes prisonniers de nous-mêmes. C’est un paradoxe. Une perspective de recherche intéressante, mais également une erreur fatale de l’évolution : l’homme ne voit jamais que lui-même ».
http://www.leseditionsnoirsurblanc.fr/
(Warren Bismuth)
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