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vendredi 12 mars 2021

Jean GUÉHENNO « Dans la prison »

 


Jean GUÉHENNO n’est pas un inconnu lorsque paraît ce texte le 1er août 1944, par ailleurs dernière publication des éditions de Minuit clandestines après une grosse vingtaine de parutions sous le manteau. Encore une fois, il faut bien remarquer ici la volonté littéraire assez poussée dans la ligne éditoriale.

« Dans la prison » est un écrit sur la grandeur perdue de la France. Sans toutefois verser dans le nationalisme à outrance, il défend les valeurs républicaines d’un pays en danger. L’intérêt réside dans le fait qu’il balaie de manière brève mais percutante la période de l’occupation, démarrant dès la date historique du 17 juin 1940 et son armistice de sinistre mémoire pour se clore en 1944, date de parution et de la Libération. Auteur : Cévennes, pseudo de GUÉHENNO.

Présenté sous forme de journal de bord, le récit égrène des dates importantes de la deuxième guerre mondiale dans la France occupée, remonte à la source directe : « Je pense à toute la jeunesse. Il était cruel de la voir partir à la guerre. Mais est-il moins cruel de la contraindre à vivre dans un pays déshonoré ? Je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais aussi qu’ils ne sont pas faits non plus pour la servitude ».

Quelques figures pas toujours glorieuses de la France qui perd apparaissent. En tête PÉTAIN et ses soutiens. Bref retour avant la guerre, une date encore, le 6 février 1934 et la tentative de putsch de l’extrême droite française, événement peut-être fondateur de la prise de position pour la future collaboration avec les nazis.

L’auteur remonte encore plus loin : depuis 150 ans, la France s’obstine à développer la consommation, la concurrence et l’appât du gain, système en contradiction avec le principe même de liberté.

Sans liberté se crée le réflexe de rancœur érigé en indifférence : « 1943. (À l’allemand que je croise dans la rue) – Je ne sais pas bien ce que j’éprouve quand je me trouve près de toi. Je ne te hais pas, je ne te hais plus. Je sais que tu ne seras jamais mon maître. J’affecte de ne pas te voir. Je me suis promis de ne te parler jamais. Je comprends ta langue, mais si tu m’adresses la parole, je lève les bras au ciel et je joue celui qui ne comprend pas ».

GUÉHENNO/Cévennes évoque les journaux de la Résistance, qui jouèrent un rôle prépondérant dans la dissidence. S’il insiste sur la France, c’est en tant que Résistant dans un pays occupé, soucieux des atouts, lucide sur les faiblesses ou les failles. Il n’est pas moralisateur ni va-t-en-guerre, il expose ses idées calmement, pourtant persuadé que le combat doit continuer, que la liberté comme issue n’est plus très éloignée.

Réédition numérique chez Fenixx d’un document rare des éditions de Minuit, il est précieux car il marque la fin de Minuit clandestin, mais aussi la fin de la deuxième guerre mondiale, l’éditeur sortant de fait de la clandestinité pour devenir une maison officielle, mais ceci est une autre histoire.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

https://www.fenixx.fr/

(Warren Bismuth)

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