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dimanche 14 décembre 2025

Arnaud FOSSIER « Les cathares, ennemis de l’intérieur »

 


Dans ce documentaire fortement sourcé (plus de 250 notes dressant une impressionnante bibliographie), Arnaud Fossier, historien médiéviste, reconstitue point par point l’épopée des cathares.

Si ce mouvement prend notamment ses racines de la détestation du clergé et de l’Église romaine, il n’en est pas moins un courant religieux, plus « pur », débarrassé des convenances, opposé à la réforme cléricale des XIe et XIIe siècles. Craint par l’Église dominante, le catharisme est d’abord victime en France d’une première croisade contre les albigeois en 1208, même s’il vit le jour en Allemagne et en Italie avant de trouver de l’écho, notamment dans le sud de la France. Il peut être vu comme un courant né du bogomilisme bulgare puis italien. Attaqués, certains cathares entrent en clandestinité, d’autant que vient d’apparaître une justice implacable autant qu’arbitraire, celle de l’Inquisition. Les bûchers ne vont pas tarder à crépiter.

Les cathares, appelés aussi manichéens, ont laissé peu de traces écrites sur leurs valeurs et leurs croyances, aussi il faut fouiller du côté de leurs détracteurs pour tenter de reconstituer certains faits ou modes de pensée. Héritier d’un christianisme primitif, le catharisme est principalement issu des classes nobles affaiblies économiquement. En Italie, il est proche d’un autre courant religieux appelé pataria, c’est d’ailleurs en Italie qu’eurent lieu les premières répressions d’ampleur contre ces mouvements considérés comme hérétiques.

Ce sont les ennemis des cathares qui les ont baptisés ainsi, les cathares se considérant simplement comme « purs » ou « bons hommes et bonnes femmes ». À propos du baptême justement, celui des cathares se nomme le consolament, il est un baptême spirituel. Quant à la place des femmes dans cette idéologie, l’auteur rappelle qu’elle fut peut-être un peu exagérée par certains historiens. Notons cependant que des communautés de femmes se sont créées, exclusives et actives.

La répression contre les cathares s’intensifie vite avec de nouvelles lois condamnant la non-dénonciation : « Si un souverain ne purge pas son pays des hérétiques, il sera excommunié ». Arnaud Fossier revient longuement sur ces lois, ces délations, nombreuses. Viennent les années terribles, entre 1231 et 1239, avec la résistance de plus en plus active des cathares, suivie de longs procès à charge qui n’ont de procès de que le nom puisque les témoins comme les acteurs se trouvent obligés soit de mentir, soit d’extrapoler en faveur de la « justice ».

Pour retracer cette histoire, Arnaud Fossier s’appuie sur de nombreux documents, d’époque comme ultérieurs, notamment du XIXe siècle à nos jours, avec, comme toujours lorsqu’on parle d’histoire, de nouvelles approches et de nouvelles découvertes. L’auteur ne cherche pas à faire des cathares un peuple martyr, mais il tient à mettre en avant l’acharnement de certains dirigeants comme celui de l’Église. Il en vient tout naturellement à la fin des cathares au XIVe siècle, après quelques derniers soubresauts du côté de Carcassonne, d’Albi ou de Toulouse. Mais il serait faux historiquement de résumer la présence des cathares à cette ère géographique restreinte, tout comme il serait faux de les imaginer prendre le pouvoir. Ils n’étaient visiblement que 4000, dont peut-être 200 à Toulouse et en Albigeois durant les années « fastes », pas de quoi imposer une religion.

Documentaire à la fois accessible et érudit, il reste cependant un résumé (certes fort instructif) de l’aventure cathare. En moins de 200 pages format poche, il n’est pas aisé de s’arrêter longuement sur des dates clé, sur des faits précis, tout comme il est difficile de dresser des biographies de certains acteurs, même succinctes. Arnaud Fossier traverse l’épopée avec un rythme soutenu qui peut favoriser la compréhension des plus novices. Pour les plus aguerris, la surprise est moindre mais ceci reste toujours bon de s’injecter une bonne petite piqûre de rappel. Car le catharisme, 800 ans plus tard, continue à faire parler de lui, parfois hélas uniquement par le prisme de la fiction, du fantasme historique et d’un certain folklore parfois aux relents nationalistes (la récupération n’a jamais de limites). Arnaud Fossier tient à rappeler certains points et en démonter d’autres, pour le bien de tout le lectorat. « Les cathares, ennemis de l’intérieur » est paru en 2025 aux éditions La Fabrique.

https://lafabrique.fr/

(Warren Bismuth)

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