De nos jours, Jason Amdahl, 28 ans, professeur de lycée dans le Colorado, revient sur ses terres natales du Dakota du sud, à Millford. Sa mère Marsha est atteinte d’un cancer incurable, il souhaite l’accompagner jusqu’à son dernier souffle, ayant été longtemps absent et n’ayant de fait jamais vraiment participé à la vie familiale, ce qui lui est d’ailleurs vivement reproché.
La région de son enfance a bien changé, s’est modernisée même si l’ombre des Premières Nations continuent de planer. Dans le Dakota, outre sa mère, Jason retrouve sa sœur Elizabeth de sept ans son aînée, mariée à Tyler et mère d’une adolescente troublée, Megan. La ferme familiale est désormais entourée d’une vaste exploitation forestière qui fore tant et plus. Marsha la mère fut une femme forte qui a soudé une sorte d’esprit de famille. Aujourd’hui elle s’éteint lentement, sur ses terres.
« Adieu, Dakota » est un roman simple à la trame fine, minimaliste, le destin d’une famille rurale happée par le progrès inexorable. La nature luxuriante est en partie masquée par de véritables scènes de huis clos entre les personnages, révélant leurs forces, leurs faiblesses, leurs liens. C’est aussi un mémorial, les souvenirs familiaux, la jeunesse insouciante d’avant l’accaparement des terres par de grosses industries cupides.
« Elle lui en avait parlé lorsqu’il était enfant, quand elle essayait de lui expliquer les raisons de son départ pour le Dakota. Les résidus de pesticides et d’herbicides en trop grandes quantités sur les cultures intensives de l’Ohio avaient empoisonné les campagnes. Des usines près du lac Erié laissaient échapper tant de produits inflammables que les cours d’eau prenaient parfois feu ».
Le passage à la vieillesse est ici analysé avec pudeur, le moment où les héritiers réalisent qu’une perte irrémédiable est en cours, faisant vieillir à leur tour les plus proches. Le peu de protagonistes de ce roman le rendent encore plus intimiste, pourtant il résonne de manière universelle et presque intemporelle, sauf bien sûr pour la technologie emportant tout sur son passage. Les oiseaux prennent une bonne place, quoique discrète, dans le récit, ils représentent la liberté et l’immortalité, celle qu’aperçoit Marsha par sa fenêtre, vivant ses derniers jours, tout en se faisant lire des romans par Jason qui prend son rôle très au sérieux, il sait que ces moments seront les derniers instants d’évasion de sa mère. Quant au père, il semble se diriger lentement à son tour vers le dernier trou.
Le contraste entre la nature éternelle et puissante au cœur des grands espaces du Dakota, et la fragilité de la vie humaine ainsi que sa brièveté est saisissant. Car la nature regorge de trésors toujours réinventés quand le corps humain s’arrête pour toujours. Cette nature est peu présente, pourtant elle semble observer les comportements humains, les guider vers une vie meilleure moins axée vers le profit, plus en harmonie avec la sauvagerie des grands espaces. Roman politique sous-jacent, l’auteur avançant par petites touches pour dénoncer sans slogans.
Roman simple aux personnages peu exubérants mais fort attachants, il abonde pourtant de scènes splendides, intimes, de geste du quotidien, ceux dont ils ne faut pas se départir pour pouvoir transmettre un savoir comme un savoir-faire aux générations futures. « Adieu, Dakota » est sorti cette année aux éditions Au Diable Vauvert, il est de ces récits pétillants avec trois fois rien. Un grand moment de lecture.
(Warren
Bismuth)

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