Un petit bijou. Petit par la dimension,
genre format poche. Petit par la longueur : à peine 60 pages. Bijou pour
tout le reste. Une seule histoire mais traitée de deux manières : une première
version en nouvelle (présentée pourtant comme un récit) puis en format pièce de
théâtre. Le fond : la Russie juste après la révolution bolchevique
d'octobre 1917 (la nouvelle a été écrite en 1920 et publiée en 1922). Saint
Petersbourg devenu Petrograd, un couple qui a froid dans sa maison, transformée
en caverne, qui ne parvient plus à se payer le bois pour se réchauffer. La
femme Martha ne peut plus sortir du fond de son lit, trop transie et mourante.
Le mari Martin Martinovitch, n'y tenant plus de la voir dans une telle douleur
va, malgré ses principes, aller voler du bois chez leur voisin Obertychev. Par
cette petite historiette courte, c'est le renversement de la Russie qui est
présenté, cette Russie qui ne va pas tarder à devenir l'U.R.S.S. (en 1922).
Elle est Léniniste lorsque l'action a lieu (contemporaine à l'écriture), elle
ne va pas tarder à devenir Stalinienne. Quant à ZAMIATINE, il sera arrêté par
le gouvernement de LENINE en 1922 avant de demander l'extradition à STALINE en
personne en 1931, extradition qu'il obtiendra. Dans cette nouvelle et cette pièce
de théâtre, on est assez loin de l'ambiance générale du roman
« Nous », considéré comme l'un des éléments fondateurs du roman
dystopique, influençant ORWELL pour son « 1984 » et HUXLEY pour
« Le meilleur des mondes ». Il m'avait pourtant laissé sur ma faim.
Si le sujet est ici également dystopique,
cette « Caverne » est une petite bombe qui vous glacera les
pieds malgré la couette. Dès les deux premières phrases de la nouvelle nous
sommes dans le bain : « Des glaciers, des mammouths, des déserts. Des
rochers de nuit, noirs, qui ressemblent vaguement à des immeubles ; à
l'intérieur des rochers, des cavernes ». Pour le premier dialogue de la
version théâtrale, ce n'est pas franchement plus joyeux : « Je n'en peux
plus je n'arrive pas à respirer dans cette obscurité… Mais quand est-ce qu'ils
vont nous donner de la lumière ? ». Il est intéressant de noter la
différence d'écriture pour une même trame, en apparence plus légère pour la
pièce de théâtre. En apparence seulement. Notons que ladite pièce, écrite en
1927, est pour la première fois traduite en français. Livre paru en 2017 chez
un petit éditeur au visuel très réussi, INTERFÉRENCES, qui a m'a l'air de bien
apprécier les écrits russes, il est donc fort possible que l'on en reparle à
l'occasion.
(Warren
Bismuth)
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