Algérie, début des années 2000. Lamia, la narratrice, est une
pédiatre de Blida qui ne trouve que peu de joies dans son existence, quand une
fille de 16 ans, Cherifa, déboule chez elle. Cherifa est une jeune femme
paraissant émancipée et libre. Elle est enceinte. Lamia va décider de la
prendre sous son aile, déjà meurtrie par de nombreux décès dans sa famille,
puis la disparition de son frère Sofiane qu’elle recherche sans grand espoir.
Cependant, Cherifa va faire comme Sofiane et s’évaporer, alors que Lamia
s’était donnée comme mission de l’instruire. S’ensuit de longues recherches
pour Lamia, qui vont l’amener au cœur d’une Algérie à la dérive, avec ses
femmes qui s’étiolent et se soumettent. Dans ce roman de 2005, Boualem SANSAL
ne s’attarde pas sur le terrorisme, un sujet pourtant ancré dans son œuvre.
Ici, par les mots de Lamia, il dénonce la situation des femmes dans une Algérie
gangrenée par la religion et un gouvernement qui ferme les yeux. Comme à son
habitude, SANSAL est offensif, mais surtout humaniste (pro-féministe ?).
Une écriture prodigieuse, tantôt très pointue, tantôt verte, qui profite du
récit pour échafauder des thèses philosophiques. Le roman est découpé en actes,
et ressemble à une fable, comme souvent chez SANSAL, peut-être pour mieux faire
comprendre la corruption, l’islamisme radical, le pouvoir impuissant dans un
pays qui tombe en ruines. Ce n’est pourtant pas un roman de la désillusion, car
les femmes se révoltent, sont épaulées, et tous ces harragas (« brûleurs
de route », les errants cherchant une place quelque part dans le pays)
croisés sont autant d’humains qui n’ont pas désarmé, autant de personnages
pittoresques et attachants, loin des clichés. SANSAL digresse, fait rire,
farcit le roman d’anecdotes drôles, tendres, ou franchement révoltantes. Il
décrit l’Algérie, non pas comme son ennemi mortel, mais plutôt comme une terre
ravagée qui tente de se reconstruire malgré l’extrémisme et la religion toute
puissante, une Algérie qu’il aime en dépit de ce qu’il dénonce sans langue de
bois. Un auteur absolument nécessaire sur lequel il faut s’attarder, un lanceur
d’alerte précieux et courageux, rappelons qu’il vit toujours en Algérie où ses
écrits font grincer les dents de quelques radicaux et autres dirigeants. Un
romancier et un philosophe des lumières contre l’obscurantisme.
(Warren Bismuth)
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