Alma est un domaine sis sur l’île Maurice, propriété de la famille
Felsen. LE CLEZIO nous raconte lentement son histoire (qui est aussi la sienne
propre) par le biais de deux narrateurs qui se font écho de chapitre en
chapitre. D’abord Dominique, dit Dodo, vagabond lépreux sans âge qui erre au
gré de ses rencontres. Né pour faire rire, en l’absence de nez mais pourvu
d’une longue langue, il peut lécher ses yeux. Il est sans malice et sans haine,
pouvant être amoureux platonique et touchant. Ses chapitres sont écrits en
italique. L’autre c’est Jérémie, contemporain et possédant ses racines sur
l’île, il va enquêter sur sa feue famille (ses grands parents furent les
derniers de ses descendants à y vivre, ils finirent par s’exiler), mais aussi
sur le sort réservé jadis au Dodo, grand oiseau majestueux disparu de la
surface de la terre il y a trois cents ans car chassé et décimé par les
européens dès qu’ils colonisèrent à leur sauce les lieux. Il ne reste de lui
aujourd’hui que des ossements et beaucoup de légendes. Par ses recherches
Jérémie va trouver trace de l’esclavage organisé sur l’île Maurice, de la
traite négrière. Bien sûr les deux destins vont finir par se recouper au terme
d’une exploration minutieuse. Un livre qui ne se lit pas sur un hall de gare.
Beaucoup de personnages y figurent, de manière plus ou moins constante, les
époques s’entrecroisent, si bien que l’on ne sait plus toujours dans quel
siècle nous nous trouvons. Les différents passages sur l’extermination du Dodo
sont saisissants, tous comme ceux sur l’esclavage. Mais j’ai le sentiment de
m’être un peu perdu dans ce roman, concentration pas assez poussée, fatigue ou
manque de repères historiques et/ou géographiques ? Peut-être un peu tout
ça. Il n’empêche que l’écriture de LE CLÉZIO – que je découvrais seulement, que
la foudre s’abatte sur moi ! – est une prose poétique, où la nature est
très présente. La narration de Dodo le hobo est celle d’un petit garçon, donc
paradoxalement parfois difficile à lire. LE CLÉZIO nous fait partager les vieux
rites de l’île, les superstitions et coutumes créoles, et il réussit
parfaitement à clore un roman dans lequel je me serai en partie noyé, ce qui ne
signifie pas que ce livre est raté. Sorti en 2017 dans l’excellente collection « BLANCHE »
des ÉDITIONS GALLIMARD.
(Warren Bismuth)
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