Pour son premier roman, « Fairy
Tale », Hélène ZIMMER tape fort, et bien. Il s'agit de ma première (et pas
la dernière) incursion du côté de chez Swann, euh, P.O.L, et ce fut 285 pages
de vrai plaisir.
Entrons dans le vif du sujet. Coralie est le
personnage sur lequel se focalise le récit et elle prend place au sein d'une
famille au premier abord classique. Il y a donc Coralie, la mère, Loïc, le père
et les enfants, Popo l'aînée de 11 ans, puis Titi, 7 ans et enfin Lulu, 4 ans.
On perçoit déjà dans les prénoms choisis par l'auteure que la famille n'est pas
aussi normative qu'il n'y paraît.
Coralie, c'est une bosseuse, et elle n'a pas
le choix : Loïc son compagnon (pas question de mariage entre eux) est au
chômage depuis le rachat et la fermeture de la cartonnerie. D'ailleurs, il
arrive en fin de droits et Coralie est très angoissée de cet état de fait, elle
qui supporte des conditions de travail assez pénibles (harcèlement) dans le
grand magasin où elle gère les stocks, remplit ses rayons et conseille les
clients. Son nouveau chef, Mouret, lui mène la vie dure, soutenu par d'autres
employés ayant des griefs contre l'infortunée Coralie.
Au fil des pages, la situation familiale se
précise : Coralie et Loïc se sont connus jeunes, ils ont eu leur première
fille très tôt, leur fils a suivi et une petite fille surprise s'est ajoutée à
la tribu. Ainsi, pour loger cette famille nombreuse, ils emménagent dans un
pavillon et côtoient d'autres voisins, eux propriétaires, pas trop prolétaires
et assez peu concernés par la crise qui s'est installée dans cette famille.
Coralie et Loïc communiquent peu :
schéma classique, elle se demande pourquoi il ne trouve pas de travail, s'y
prend-il correctement ? Et lui, rabaissé dans sa capacité à assurer la
subsistance de sa famille, il préfère boire des bières avec ses potes et se
faire un peu de thunes en remplissant des pochons de beuh, que Titi doit
peser :
·
« Tu
peux repeser les sachets si tu veux. Ça doit faire 5 grammes.
·
Cinq
grammes en tout ou 5 grammes chacun ?
·
Chacun,
Titi, sois pas con putain. »
p.
70
Ça donne le ton.
Coralie est prête à craquer, le conflit est
aussi ouvert avec sa fille aînée, Popo, pour qui son père est un dieu vivant et
qui ne loupe pas une occasion de prendre la tête à sa mère, les yeux rivés sur
son téléphone portable. Titi se bagarre et Lulu n'est pas en reste, avec sa
console de jeux qui la suit partout. On mange beaucoup de pâtes, des nuggets
dans lesquels parfois on tombe sur un bout de tendon.
Au milieu de tout cela, Coralie tente un
coup de poker, elle inscrit Loïc à une émission TV, Fairy Tale, qui se charge
de faire un portrait du chômeur et de sa famille et de proposer à l'infortuné
inactif trois entretiens d'embauche en vue d'un avenir meilleur.
Grosso modo, on suit cette famille pendant
une durée de 3, 4 mois peut-être. On voit les angoisses, la recherche
désespérée de solutions, au milieu de tout cela il y a trois gosses qui
poussent, un peu de travers, mais que l'on protège. Il y a les vacances en
camping, les toiles de tente surchauffées, les barbecues pris d'assaut par les
touristes pour faire griller des saucisses que l'on mangera avec des chips, le
tout arrosé d'une bière un peu tiède. Ou alors on ira chercher des panini, pour
les gosses.
Coralie, elle tient tout à bout de bras, on
assiste à une descente lente mais inexorable de la condition qu'elle
s'impose : élever ses gosses, faire son travail qu'elle arrive à détester,
soutenir malgré tout le père de ses enfants dans sa quête du sésame social,
mais elle, tiendra-t-elle le choc ? Le combat est bien inégal. Celle qui
tente à de nombreuses reprises de faire preuve d'optimisme, n'aura d'autre
choix que de lâcher l'affaire, épuisée et résignée.
Je n'en dirai pas plus de l'intrigue, en
revanche je vous recommande la lecture de ce livre. De prime abord, ça fleure
le cliché et puis finalement non, ça fleure surtout une triste réalité qui
n'est pas très loin de chacun d'entre nous. Les inégalités et les injustices
sociales touchent surtout celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'aller
chercher les bonnes informations au bon moment, c'est comme ça que le système
en profite pour essorer des familles entières sous le regard bienveillant et
complice des institutions qui enfoncent alors qu'elles devraient relever. Les meRdia
ne sont pas en reste, tout est bon pour nourrir la curiosité malsaine des
téléspectateurs en quête d'émissions riches en montages artificiels où chacun-e
pourra alors assister à la déchéance de son voisin.
C'est vitriolé, très juste et pour un premier
roman, Hélène ZIMMER, chapeau bas.
http://www.pol-editeur.com/
(Emilia
Sancti)
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