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mardi 20 août 2019

Aurélie CHAMPAGNE « Zébu boy »


La rentrée littéraire est toujours incertaine, souvent beaucoup de déceptions. « Zébu boy » déroge à la règle. Pour son premier roman, Aurélie CHAMPAGNE publie chez Monsieur Toussaint Louverture une vraie pépite.

La première chose que l’on retient de ce roman, c’est qu’il n’est pas facile d’accès. Rien ne nous est donné de la culture malgache, le lecteur va construire lui-même ses propres connaissances au fur et à mesure du roman. Tout d’abord déroutant, cela laisse place à notre imaginaire d’occidentaux naïfs et confère au récit encore plus de mysticisme qu’il n’en contient.

L’action se situe après la Seconde guerre mondiale : Ambila, force de la nature, aussi surnommé Zébu boy rentre vers son pays, Madagascar. Il rentre de la France, la Très Grande France, pour laquelle il a âprement combattu, pour laquelle il a défendu sa vie, pour laquelle il a laissé mourir des frères d’armes dont l’esprit continuera, jusqu’au bout de ces pages, de le hanter.

En 1947, l’insurrection gronde à Madagascar, les malgaches choisissent de se soulever contre les blancs qui les ont dépouillés jusqu’au bout, malgré l’aide apportée pendant la guerre. Sans ressources, dépouillés même de leurs chaussures dont Ambila était si fier, Ambila qui veut arriver dans son hameau en victorieux, en guerrier invincible, Ambila qui s’offre des lunettes dont la correction n’est pas la bonne mais qui lui donnent un air assuré qui ne manquera pas de faire son petit effet.

Avant de rejoindre les siens, il y a Tananarive, et les aodys de Randrianantoandro, l’ombiasy, ces amulettes sacrées auxquelles on prête des pouvoirs différents, en fonction de la manière dont on les a fabriquées. Ces amulettes vont pouvoir protéger les siens de l’envahisseur, ces amulettes vont lui permettre de racheter des zébus. Car Ambila est orphelin : de mère tout d’abord, qui périt lors de sa seconde grossesse et qui se rappelle à Ambila presqu’à chaque page. Puis de père, qui ne l’a jamais abandonné mais qui lui a transmis sa passion pour l’élevage des zébus. Elevage pillé depuis mais que Zébu boy va recréer, grâce à l’argent des amulettes, elles-mêmes achetées avec des dents, et pas les dents de n’importe qui…

De Tananarive à son hameau, les retrouvailles avec Josselin, les amulettes qu’il crée, et qui protègent ses amis, enduites d’une larme de ricin et de Lancôme (oui oui), les Bomba Flèche qui lui permettront de vaincre mais n’enrayeront pas la chute qui se veut inéluctable. C’est David contre Goliath.

Il y aurait beaucoup à raconter mais cela ne rendrait pas hommage à ce roman qui doit se construire lui-même dans la tête du lecteur : des personnages attachants, l’instituteur, l’amoureux éploré, la mère adorée, le singe facétieux et tant d’autres.

Ce roman est une mine d’or : une écriture juste, poétique, voilée d’onirisme et de mysticisme, des connaissances sur Madagascar et le pourquoi du comment d’un moment d’histoire qui ne nous est jamais conté en classe.

Tout juste sorti en librairie, 251 pages de toute beauté.


(Emilia Sancti)

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