La rentrée littéraire est toujours
incertaine, souvent beaucoup de déceptions. « Zébu boy » déroge à la
règle. Pour son premier roman, Aurélie CHAMPAGNE publie chez Monsieur Toussaint
Louverture une vraie pépite.
La première chose que l’on retient de ce roman,
c’est qu’il n’est pas facile d’accès. Rien ne nous est donné de la culture
malgache, le lecteur va construire lui-même ses propres connaissances au fur et
à mesure du roman. Tout d’abord déroutant, cela laisse place à notre imaginaire
d’occidentaux naïfs et confère au récit encore plus de mysticisme qu’il n’en
contient.
L’action se situe après la Seconde guerre
mondiale : Ambila, force de la nature, aussi surnommé Zébu boy rentre vers
son pays, Madagascar. Il rentre de la France, la Très Grande France, pour
laquelle il a âprement combattu, pour laquelle il a défendu sa vie, pour
laquelle il a laissé mourir des frères d’armes dont l’esprit continuera,
jusqu’au bout de ces pages, de le hanter.
En 1947, l’insurrection gronde à Madagascar,
les malgaches choisissent de se soulever contre les blancs qui les ont
dépouillés jusqu’au bout, malgré l’aide apportée pendant la guerre. Sans
ressources, dépouillés même de leurs chaussures dont Ambila était si fier,
Ambila qui veut arriver dans son hameau en victorieux, en guerrier invincible,
Ambila qui s’offre des lunettes dont la correction n’est pas la bonne mais qui
lui donnent un air assuré qui ne manquera pas de faire son petit effet.
Avant de rejoindre les siens, il y a
Tananarive, et les aodys de Randrianantoandro, l’ombiasy, ces
amulettes sacrées auxquelles on prête des pouvoirs différents, en fonction de
la manière dont on les a fabriquées. Ces amulettes vont pouvoir protéger les
siens de l’envahisseur, ces amulettes vont lui permettre de racheter des zébus.
Car Ambila est orphelin : de mère tout d’abord, qui périt lors de sa
seconde grossesse et qui se rappelle à Ambila presqu’à chaque page. Puis de
père, qui ne l’a jamais abandonné mais qui lui a transmis sa passion pour
l’élevage des zébus. Elevage pillé depuis mais que Zébu boy va recréer, grâce à
l’argent des amulettes, elles-mêmes achetées avec des dents, et pas les dents
de n’importe qui…
De Tananarive à son hameau, les
retrouvailles avec Josselin, les amulettes qu’il crée, et qui protègent ses
amis, enduites d’une larme de ricin et de Lancôme (oui oui), les Bomba Flèche
qui lui permettront de vaincre mais n’enrayeront pas la chute qui se veut
inéluctable. C’est David contre Goliath.
Il y aurait beaucoup à raconter mais cela ne
rendrait pas hommage à ce roman qui doit se construire lui-même dans la tête du
lecteur : des personnages attachants, l’instituteur, l’amoureux éploré, la
mère adorée, le singe facétieux et tant d’autres.
Ce roman est une mine d’or : une
écriture juste, poétique, voilée d’onirisme et de mysticisme, des connaissances
sur Madagascar et le pourquoi du comment d’un moment d’histoire qui ne nous est
jamais conté en classe.
Tout juste sorti en librairie, 251 pages de
toute beauté.
(Emilia Sancti)
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