Ce livre n’est pas une biographie de
Charlotte DELBO – encore que – mais plutôt une analyse de son œuvre par
l’excellente Valentine GOBY. L’auteure s’est basée essentiellement sur la
trilogie « Auschwitz et après », et dans une moindre mesure sur
« Le convoi du 24 janvier », « Spectres mes compagnons »
(lettres à Louis JOUVET) et « La mémoire et les jours » ainsi que sur
des supports radiophoniques, et sur quelques écrits inédits de DELBO.
Interlude : allez fouiller sur notre
blog, vous trouverez des chroniques de la plupart des bouquins de Charlotte
DELBO ici évoquée, nous avons créé un cycle.
Ce
qui frappe, c’est l’admiration voire la passion que GOBY entretient avec la
défunte DELBO. Elle avoue humblement ne l’avoir découverte que récemment (le
livre date de 2017), mais s’être tout de suite nourrie de l’univers de DELBO.
Elle cherche dans ce récit à « ressusciter » l’auteure de forts
témoignages en divers formats sur la vie dans les camps de concentration. GOBY
retrace le parcours de DELBO, non avec minutie comme pour une biographie exhaustive,
mais en tirant de grands traits, intimistes pourtant, dans un joli texte tout
en pudeur.
GOBY
ne comprend pas pourquoi Charlotte DELBO est en quelque sorte restée dans
l’ombre alors que les historiens, les enseignants se basent beaucoup
aujourd’hui encore sur des figures comme par exemple Primo LEVI pour faire
apprendre, comprendre les camps nazis aux jeunes générations. À juste titre,
GOBY insiste sur le caractère littéraire des récits de DELBO, sur un style
limpide très organisé, sur la force de pouvoir écrire l’impensable après
l’avoir soi-même vécu.
Concernant
l’aspect plus intime, GOBY revient succinctement sur la forte amitié entre
DELBO et JOUVET avant la seconde guerre mondiale (guerre qui marque le
basculement de la vie de DELBO) par le biais du théâtre, sur le besoin de
Charlotte d’écrire ses souvenirs des camps peu après leur libération (certains
rescapés attendront longtemps, d’autres n’écriront jamais), le refus des
éditeurs puisque le souvenir collectif est encore trop ardent et que ces récits
pourraient choquer.
Acceptation
de parution cependant du côté des Éditions de Minuit (en 1970, même si les
éditions Gonthier avaient déjà publié le premier volet « Aucun de nous ne
reviendra » en 1965) pour publier les écrits, et un Jérôme LINDON, patron
de Minuit, très critique sur le style de DELBO, ne se rendant peut-être pas
tout à fait compte de la difficulté pour une écrivaine de raconter un tel traumatisme
vécu, d’avoir à tous moments côtoyé la mort.
GOBY
emprunte beaucoup de phrases tirées de l’œuvre de DELBO, sans les commenter,
juste pour que la mémoire ne s’efface pas. Durant ce travail de rédaction, GOBY
a vécu en pensée aux côtés de DELBO, en un sens elle a été DELBO, c’est
palpable dans ce bouquin. Elle a voulu, au-delà de ce récit, poursuivre
l’héritage, en enseignant Charlotte DELBO dans des classes malgré l’hostilité
des professeur.e.s, elle se sent investie d’une mission de
« passeuse », pour ancrer, encrer dans le souvenir collectif la
figure de Charlotte DELBO. Dans ce livre elle y parvient parfaitement, d’autant
qu’elle a l’expérience requise de par son livre « Kinderzimmer » dont
elle fait référence à plusieurs reprises (un bouquin par ailleurs à
lire !).
En
2017, Valentine GOBY constate avec consternation que les livres de Charlotte
DELBO ne sont jamais sortis en version poche, ne les rendant pas tout à fait
accessibles au grand public, elle en est décontenancée. C’était sans compter sur
Les Éditions de Minuit qui ont republié fin 2018 la trilogie « Auschwitz
et après », en deux volumes (sur les trois d’origine, les deuxième et
troisième tomes étant ici réunis)… Et en version poche.
« Je
me promets d’éclatantes revanches » est tiré d’une phrase de Charlotte
DELBO dans une lettre adressée à Louis JOUVET en 1946. Le titre est repris pour
le présent ouvrage, très utile pour redécouvrir Charlotte DELBO, et peut-être
même enfin la connaître par de nouvelles facettes grâce au travail de mémoire
de Valentine GOBY. Paru en 2017 aux Éditions L’iconoclaste, un hommage
bouleversant tout en finesse.
(Warren Bismuth)
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