Pour son
nouveau roman (estampillé rentrée littéraire 2019 s’il vous plaît ! Et
sorti cette semaine), Sorj CHALANDON se met dans la peau d’une femme, Jeanne
Hervineau, 39 ans, libraire au passé douloureux, mariée à Matt, homme distant,
lui aussi victime d’une vie difficile. Ils ont bien eu un petit Jules, mais handicapé,
il est mort à 7 ans. Vie morne et cahoteuse. Seulement, elle va le devenir
encore plus le jour où Jeanne apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein.
Elle refuse de prononcer le mot cancer, elle va donc l’appeler son camélia,
elle sera la dame au camélia. « J’ai
observé mes jambes ballantes, mes pieds nus, le sol carrelé. Je me suis dit que
j’étais en guerre. Une vraie. Une bataille où il y aurait des morts. Et que
l’ennemi n’était pas à ma porte mais déjà entré. J’étais envahie. Ce salaud
bivouaquait dans mon sein ».
Bien décidée
à se battre pour sa survie (« Suis-je
en train de vivre le début de ma mort ? »), Jeanne, de chimio en
consultation, va faire la connaissance de trois femmes dans sa situation :
Brigitte la meneuse, Assia et Mélody, toutes trois portant le
« crabe » en elles. Mélody vit un drame : sa jeune fille Eva a
été kidnappée par son père russe qui exige une rançon de 100 000 euros
pour rendre la petite à sa mère. Les quatre dames vont se serrer les coudes,
ensemble, devant l’adversité et malgré leurs souffrances respectives : il
faut trouver un moyen de recueillir la somme. Elles décident de commettre un
hold-up, un vrai, un braquage pur jus.
Mais qu’y
a-t-il bien pu se passer dans la tête de CHALANDON ? Lui auteur
respectable, écrivain remarquable et journaliste talentueux, lui qui a séduit
tant de cœurs de par ses livres touchants et politiques, ses piles sont-elles
usées ? En effet, ce roman est un gâchis, on ne croit pas une seconde à
ces quatre femmes atteintes d’un cancer, fatiguées et malades, qui
entreprennent une mission digne du gang des postiches. Les personnages sont
caricaturaux (surtout Matt, j’espère pour lui qu’il n’a pas existé. Si c’est le
cas, qu’il se cache !), pas crédibles, le rythme se traîne, l’intrigue est
plate et convenue, même si bien sûr le romancier réussit à sortir du foutoir
deux ou trois petites phrases. Pas plus.
J’affectionne
CHALANDON, ses points de vue, sa plume, son humilité. L’écrivain m’a souvent
bouleversé, l’homme m’a enchanté ou ensorcelé. Mais que cherchait-il à dire
dans ce roman ? OK, le cancer, OK, le besoin d’argent d’une femme voulant
revoir sa fille, OK, le vécu, des vies tumultueuses, OK, une souffrance de tous
les instants pour chaque protagoniste de l’histoire. Mais cette dernière est
invraisemblable de bout en bout, remâchée, balisée. CHALANDON semble même
peiner à certains moments pour trouver ses mots. La chute se veut émouvante,
elle est barbante. Le livre accumule les clichés, l’écriture est hésitante.
Sous nos yeux déconfits se déroule une mièvre comédie dramatique qui ne
parvient pas à captiver. Caricature est bien le mot qui jalonne chacune des
pages engourdies. Le grand Sorj semble avoir abandonné le navire, vidé son
encrier.
« C’est l’histoire de quatre femmes. Elles se
sont aventurées au plus loin. Jusqu’au plus obscur, au plus dangereux, au plus
dément. Ensemble, elle ont détruit le pavillon des cancéreux pour élever une
joyeuse citadelle ». Citadelle imprenable, même pour le lectorat.
(Warren Bismuth)
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