Entretien
entre deux figures emblématiques de la littérature « Beat »
états-unienne. Jim HARRISON pose les questions ou donne le tempo tandis que
Gary SNYDER répond, développe et anecdotise. SNYDER témoigne de son expérience
de vie. Attiré très tôt par la culture zen et le bouddhisme, il a vécu une
dizaine d’années au Japon, d’où il en a retiré une culture de vie très
personnelle et spirituelle.
Mais
dans cet ouvrage c’est surtout de nature dont il sera question. Les deux
auteurs sont proches d’elle, lui ont dédiés de nombreuses pages, de nombreux
chapitres. Leur philosophie naturaliste peut se voir comme complémentaire,
c’est en tout cas la sensation dans ces échanges d’une grande beauté. « Je marchais un jour dans les montagnes de la
Sierra Nevada, parmi les talus d’éboulis, en regardant mes pieds. Et j’ai alors
remarqué que chaque caillou était différent. Il n’y avait pas deux pierres
identiques. Il n’y a donc peut-être pas d’identité dans l’univers, pas deux
choses exactement semblables ». C’est SNYDER qui parle.
Cet
entretien peut être lu comme une biographie rapide de Gary SNYDER, il donne
quelques détails sur certaines expériences de sa vie, certaines conclusions que
le poète a pu en tirer. Quant à HARRISON, il est l’intervieweur donc il prend
peu la parole, souvent pour acquiescer aux dires de son interlocuteur, ou pour
bien sûr, sortir une plaisanterie dont il a le secret. Les deux poètes sont de
la même génération (SNYDER, né en 1930, HARRISON en 1937) et les souvenirs de
l’un peuvent raviver une flamme chez l’autre. SNYDER tient en revanche le
gouvernail dès qu’il s’immisce dans la culture orientale et asiatique.
Les
animaux : SNYDER les respecte, peut-être même les révère-t-il. « Nous sommes encore dans une phase où l’on
apprend à connaître les animaux, à interagir avec eux. Les inclure dans notre
dialogue est déjà une grande nouveauté ». Le progrès : « L’Amérique est maintenant à soixante-quinze
pour cent urbaine. Quand je suis né, c’était l’inverse : elle était à
soixante-quinze pour cent rurale. Pour un gars de la campagne comme moi, le
problème est que le niveau d’attention dont j’ai besoin en ville m’épuise très
vite ». Cependant, ne vous attendez pas à obtenir de criantes
révélations sur la vie de Jim HARRISON puisque le bouquin est tout de même
consacré avant tout à SNYDER.
À
l’issue de cet entretien sont proposés 18 poèmes de SNYDER en version bilingue
avant une longue postface d’Antoine WYSS. Au début et à la fin de l’ouvrage,
des photographies de la collection personnelle de Gary SNYDER mais pas que.
Même si leur impression ne ressort pas forcément par manque de qualité, elles
sont là pour témoigner elles aussi.
Enfin,
ce joli livre est accompagné… d’un DVD, « La pratique sauvage » !
Il est en quelque sorte la version filmée de ce face à face de deux géants
(mais pas tout à fait non plus, je vous laisse la surprise), mais aussi des
lectures des poèmes de Gary SNYDER par lui-même, ainsi que des prises de
paysages somptueux. De nombreuses interviews viennent étoffer le DVD. Le tout
est sorti en 2011 dans la collection Tête nue de Wildproject éditions.
(Warren Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire