La vie de Madeleine RIFFAUD fut une suite d’aventures rocambolesques en version politisée. Engagée très jeune dans la Résistance du côté de Grenoble, elle échappe de peu à la déportation (mais pas aux tortures). Après la guerre, elle couvre en partie la guerre d’Indochine puis celle d’Algérie alors que cette dernière prend fin. Madeleine couvre plus tard la guerre du Viêt Nam sur place, est proche du parti communiste, ou d’hommes comme par exemple Paul ELUARD et plus tard HÔ CHI MINH.
Si Madeleine RIFFAUD a beaucoup publié jadis, entre récits de vie, reportages, chroniques, poèmes, etc., elle est plus silencieuse aujourd’hui. Mais son parcours intéresse, questionne, fascine. Aussi, depuis quelques années, des éditeurs s’intéressent à elle, et plusieurs ouvrages paraissent ou sont réédités. Madeleine RIFFAUD a vécu une vie d’engagement unique et trépidante qui ne devait pas rester sous silence. En 2001 paraît un recueil de poèmes chez Tirésias. 20 ans plus tard les éditions belges Dupuis sortent une bande dessinée fort ambitieuse : retracer sous forme de triptyque la vie de Madeleine RIFFAUD. En août 2021 sort le premier volume :
BERTAIL / MORVAN / RIFFAUD « Madeleine, résistante – Volume 1 : La rose dégoupillée »
Le premier tome de cette BD d’envergure vaut le coup d’œil pour plusieurs raisons : il revient sur les premières années de la combattante Madeleine RIFFAUD, jusque 1942, au moment où elle s’engage dans la Résistance du côté de Grenoble. Fille de la Somme, ses terres natales sont marquées par la guerre, la première, des corps continuent de l’alimenter. Jeune fille déjà passionnée, elle suit sa famille en vacances (grâce au Front Populaire en 1936) dans un village de Corrèze… Oradour-Sur-Glane ! Ils rendent visite à des amis dont la machine à coudre deviendra tristement célèbre : c’est en effet celle qui est toujours visible sur place, dans les ruines d’Oradour, suite au massacre perpétré en juin 1944 par la division nazie Das Reich. Le hasard est parfois troublant…
Grâce
aux dessins réalistes de couleur bleue (dans la plupart des ouvrages consacrés
aujourd’hui à Madeleine RIFFAUD, le bleu est dominant, comme s’il représentait une
« marque de fabrique »), le récit est fluide, agréable. Les premières
amours de Madeleine sont mises en scène, mais sans guimauve, ou du moins pas longtemps,
son quotidien au cœur de la seconde guerre mondiale prend rapidement le
dessus : elle rêve de s’engager dans la Résistance. Parallèlement
surgissent les premiers traumatismes, notamment ce viol à répétition en pleine
guerre.
La tuberculose est identifiée chez Madeleine, elle va passer un peu plus de deux mois merveilleux au sanatorium de Saint Hilaire du Touvet, tout près de Grenoble. Elle en revient plus rageuse que jamais, décidée à combattre l’ennemi nazi.
Ce premier volume est tout ce qu’il y a d’intéressant, nous permettant de suivre l’évolution de la jeune Madeleine, sa politisation, sa volonté farouche de lutter contre l’occupant. Parallèlement nous découvrons une jeune femme amoureuse, féministe, sensible et malchanceuse. Deux autres volets sont prévus, ils sont attendus de pied ferme, d’autant que le présent tome se clôt en 1942, Madeleine n’a alors que 18 ans et tant d’aventures à connaître, elle prend le pseudonyme de Rainer, en hommage au poète Rainer Maria RILKE…
Madeleine RIFFAUD « La folie du jasmin »
Cette Madeleine engagée, la voici, par le biais de cette sélection de poèmes divers écrits entre 1947 et 1990, soit presque une vie d’écriture. Ce qui frappe c’est la prépondérance de la guerre, des guerres plutôt. Lorsque l’une se termine, une autre se présente. Les trois premiers poèmes sont un hommage appuyé à de fortes figures Vietnamiennes, puis vient l’Algérie, celle en sang, en pleine guerre civile, des figures là aussi, des situations dramatiques, inextricables, ces mots qui claquent au vent et au soleil :
« Mouloud
a cueilli des piquants
Au figuier qui lui sert
d’abri.
Un Algérien vieux de quatre
ans
Sait qu’il doit défendre sa
vie.
Mouloud a orné sa maison
D’un diamant de verre cassé
- Si c’est plus beau chez le
colon
Moi j’ai l’étoile, au ciel
brisé.
Mouloud autour de sa maison
A dressé, en rempart, des
pierres,
Bien plus solide est la prison
Où ils ont enfermé son père ».
De la mélancolie, peut-être une dose de nostalgie, des images qui renvoient à des atrocités, mais aussi à de fines gouttes de bonheur. Au détour d’une phrase, l’indicible, la torture, à peine évoquée mais d’une puissance remarquable :
« La
première fois qu’il vit
De près
Une baignoire
Fut le dernier jour de sa vie ».
Ce recueil paru en 2001 aux éditions Tirésias est un petit bijou de poésie engagée, contestataire, pleine du cri de révolte d’une femme rare. Aujourd’hui, en 2022, Madeleine RIFFAUD vit toujours, à près de 100 ans elle n’en est que plus précieuse pour témoigner d’une vie exceptionnelle, celle de tous les combats. Son récit de vie « Les linges de la nuit » eut un évident succès. Il se pourrait fort que je vous le présente dans une prochaine chronique.
(Warren Bismuth)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire