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mercredi 28 juin 2023

Kae TEMPEST « Qu’on leur donne le chaos / Let them eat chaos »

 


Le poème est épique, brutal, violent, chaque mot gifle, l’écriture est directe, percutante, on est comme abasourdis devant une telle rage. Des monologues se succèdent, ils sont sept, clamés simultanément par de jeunes gens quelque part dans Londres. Le système britannique, comme tous les systèmes politiques capitalistes, a échoué, et pourtant il continue à pleine vitesse dans le mur. La jeunesse est désarmée, presque incrédule devant la catastrophe en cours, alors il y a les palliatifs, drogue, alcool, le pouvoir des paradis artificiels. Car désastre écologique, car avenir compromis, bouché, car relations humaines détériorées par le virtuel, vendues, car le racisme, car la haine.

On ne croit plus en rien, alors on s’abrutit par des dérivatifs (« Je fais mes heures / pour gagner mes cachetons »), mais aussi par les selfies qui développent un peu plus un ego déjà surdimensionné. Texte en tous points vertigineux, il est un long cri de révolte, une poésie sociale et contemporaine dans laquelle ne sera fait aucun prisonnier, dans cet amas humain où le désespoir règne désormais en maître, guidé par la gentrification.

« L’Europe est perdue

L’Amérique perdue

Londres est perdue

Et on crie encore victoire.

 

C’est le règne du non-sens

Et nous n’avons rien appris de l’histoire.

 

Les gens sont morts de leur vivant

Étourdis par les lumières des rues.

Mais regarde comme la circulation continue ».

Ce poème sans concession, c’est pourtant un éditeur de théâtre qui l’a ressorti en 2022, peut-être parce que c’est une poésie qui peut se déclamer sur scène, être jouée. La version proposée ici est bilingue, pas en une mise en page du face à face habituel de deux langues, mais bien un texte français jusqu’à la moitié de l’ouvrage, que l’on retourne ensuite pour découvrir la version anglaise. Kae TEMPEST est une artiste britannique multiculturelle : poète, théâtreuse, rappeuse et romancière. Ce texte me paraît être parfait pour être lu des trois premières manières afin de faire passer le message (il est d’ailleurs précisé « Ce poème a été écrit pour être lu à voix haute »), il est aussi bref que brutal, traduit par Louise BARTLETT et D’ de KABAL, le travail de retranscription n’ayant pas dû être de tout repos. C’est une réédition, l’originale, toujours chez L’arche, étant parue en 2016.

https://www.arche-editeur.com/

 

(Warren Bismuth)

dimanche 25 juin 2023

George SAND « La ville noire »

 


Ce mois-ci les blogs Au milieu des livres et Mes pages versicolores nous invitent à choisir notre camp en un combat pacifique entre COLETTE et George SAND. De cette dernière, je comptais lire depuis quelque temps « La ville noire » pour des raisons que je vais évoquer ici bas. L’expérience fut assez éprouvante.

Pourquoi choisir précisément ce titre de George SAND ? Il ne figure pas parmi ses œuvres majeures et paraît même un texte quelque peu oublié de nos contemporains. Mais l’action se déroule dans la ville auvergnate de Thiers, pour laquelle, sans entrer dans les détails, j’ai de fortes racines faites de nostalgie et de grande souffrance. J’espérais retrouver dans ce récit quelques émotions du passé.

« La ville noire » dépeint une longue vallée industrielle encaissée, faite d’au moins 500 usines où triment environ 8000 ouvriers. C’est le quartier de la ville noire, cette ville basse, en contradiction avec la ville haute abritant les bourgeois. Ici, les prolétaires travaillent à la tâche, difficilement, pour gagner de quoi à peine nourrir leur famille. Parmi eux, Sept-Épées, jeune armurier de 24 ans, orphelin et ambitieux qui lorgne du côté de la ville haute pour son avenir.

Dans cette vallée vivent et travaillent armuriers, couteliers (Thiers est la capitale mondiale de la coutellerie) et serruriers, ils représentent les hommes du feu, les papetiers ceux de l’eau. Tout un gros quartier vit au rythme des usines, des malheurs et du bruit infernal, montant notamment du Trou d’enfer (appelé aussi Creux de l’enfer), cette cascade qui dégringole bruyamment dans un immense trou de rivière et sur laquelle une passerelle bringuebalante a été dressée. Sept-Épées aime Tonine, 18 ans, orpheline elle aussi et plieuse dans une papeterie. Il va devoir lui déclarer sa flamme.

Ne tournons pas autour du Trou d’enfer, ce roman n’est pas bon. Construit sur les bases d’une ville, on ne voit somme toute pas grand-chose de celle-ci, l’intrigue s’engluant dans des sentiments romantiques suintant la guimauve et les bons sentiments. Ce qui est plus grave, c’est le sort réservé aux ouvriers sous la plume de SAND, vus d’une manière sans doute inconsciemment condescendante, ils vont devenir curieux en tout (politique, arts, etc.) dès qu’ils auront un avenir assuré grâce à l’argent (quand on est pauvre, on est con, air bien connu). La romance indigeste au style creux est stoppée (croit-on) par un faits divers : la tentative de suicide d’un ouvrier que le jeune Sept-Épées va bien sûr sauver in extremis. Mais c’est pour mieux faire reparaître cette bien-pensance, comme s’il ne restait que cela à ces pauvres prolos.

Croyez bien que je n’écris pas ceci au hasard. George SAND, regardant pourtant les ouvriers avec intérêt (peut-être comme des bêtes de foire), se disait proche d’eux (ce qui ne coûte rien à une aristocrate loin des souffrances de ces derniers). Mais il leur fallait rester à leur place de pauvres, passifs et besogneux, invisibles, ne surtout pas se révolter contre le pouvoir en place (et aristocratique). Souvenons-nous comment SAND a traité la Commune de paris en 1871 (et bien après, comme une idée qu’on rabâche jusqu’à la nausée pour en faire une vérité). C’est-à-dire que le seul vrai moment où SAND aurait pu montrer son attachement aux « pauvres » qui s’affirment, les communards de 1871, elle les a ouvertement insultés et méprisés. Ce roman en est un autre document à charge. Elle ne parvient pas à se défaire de ses préjugés, caricaturant tant et plus ses petits bonhommes crasseux.

Là encore SAND rate son rendez-vous avec le prolétariat, alors que l’intention était tout autre. Peut-être trop marquée par sa propre classe sociale, elle ne peut se débarrasser de vieux réflexes nauséabonds. Quant à la ville, vous n’apprendrez rien sur elle, elle qui pourtant pourrait être le personnage central par sa structure très particulière et son Histoire forte, elle est rapidement oubliée au profit d’une intrigue cucul la praline qui ne décolle pas. Bref, je n’ai pas trouvé dans ce roman ce que j’étais venu y chercher, la figure de George SAND descendant un peu plus dans mon échelle des émotions, elle qui n’y figurait pourtant déjà pas précisément en place de choix. On oublie et on tourne la page. Ouf.

 (Warren Bismuth)



vendredi 23 juin 2023

COURTS-BROUILLONS : Raymond PENBLANC « Art poétique »

 


Des Livres Rances est ravi de faire suite à la série avortée « Courts-Brouillons » avec cette courte prose de Raymond PENBLANC. Écrite en juin 2020, elle fut publiée sur le site de Remue.net le 21 mai 2023. L’illustration accompagnant le texte est signée Joce PENBLANC. Notons que Raymond PENBLANC est à ce jour le seul auteur à avoir participé à la rubrique « Courts-Brouillons », je l’en remercie chaleureusement.

Le Maître n’avait pas son pareil pour impressionner son auditoire. Il lui suffisait d’entonner la liste des disparus au champ d’honneur pour que chacun sente passer le souffle de l’épopée. « Nerval, orphelin de mère, mort pendu à 47 ans – Musset, orphelin de père, mort alcoolique à 47 ans – Baudelaire, orphelin de père, mort aphasique à 46 ans – Verlaine, orphelin de père, mort alcoolique à 52 ans – Rimbaud, orphelin de père, mort de la gangrène à 37 ans – Lautréamont, orphelin de père, mort à 24 ans – Laforgue, orphelin de mère, mort phtisique à 27 ans – Corbière, phtisique et contrefait, mort à 30 ans – auxquels il n’oubliait pas d’ajouter – François de Montcorbier, dit Villon, orphelin de père, disparu à l’âge de 32 ans. » Jusqu’à ce fameux soir où un petit homme qui ne payait pas de mine se leva tranquillement de sa chaise. La voix à peine altérée par l’émotion, et alors que la Maître finissait d’énoncer le sort funeste des 9 enfants des Muses, le petit homme laissa tomber, en prenant soin de bien détacher les syllabes : « Dachau – Auschwitz – Ravensbrück – Buchenwald – Dora – Treblinka – Stutthof – Sobibor – Mauthausen – Bergen-Belsen – 9 000 000 de morts. ». Puis il retroussa sa manche et chacun put voir son bras.

 

Raymond PENBLANC, juin 2020


mercredi 21 juin 2023

Laurent MAUVIGNIER « L’orage » d’après Alexandre OSTROVSKI

 


Il est parfois dans la littérature de ces unions qui sonnent en même temps comme des défis et des symbioses. Ainsi cette pièce de théâtre de 1859 d’Alexandre OSTROVSKI adaptée, modernisée par Laurent MAUVIGNIER. Pour se faire, ce dernier a pris appui sur la traduction de 1889 signée Émile DURAND-GRÉVILLE. Notons en passant que d’autres traductions ont vu le jour depuis, notamment celle de André MARKOWICZ chez Les Solitaires Intempestifs en 2005.

Le scénario semble affreusement banal : une famille. La mère, Kabanova, acariâtre et autoritaire, protectrice de son fils Kabanov, homme effacé et soumis, marié à Katerina, femme malheureuse qui aimerait tant aimer, être aimée, s’épanouir et se libérer. Cette Katerina s’est entichée d’un jeune amant, Boris, petit-neveu du notable dogmatique Dikoï, homme méprisant et humiliant, alors qu’un orage s’approche... C’est sur cette base qui pourrait vite devenir poreuse que se joue cette tragédie. Avec presque rien donc. Et pourtant quelle émotion s’en dégage !

MAUVIGNIER n’est pas un débutant dans le théâtre, ni dans la littérature russe. Aussi il sait parfaitement où il met le pied. Je n’ai malheureusement pas pu avoir à ce jour accès à la traduction originale de cette pièce d’Alexandre OSTROVSKI, il ne me sera donc pas permis de comparer les deux œuvres, mais cela importe-t-il tant ? Car il faut bien se mettre en tête que si la version d’OSTROVSKI se déroule au XIXe siècle, celle de MAUVIGNIER prend sa source au XXIe, c’est-à-dire nous est tous points contemporaine.

Humm, pas évident de prime abord cette contemporanéité. Le style d’écriture est classique, un peu suranné (volontairement ?), comme pour rendre hommage au théâtre russe du XIXe siècle. Mais si l’on sait lire entre les lignes, l’histoire d’OSTROVSKI transposée de nos jours est une pure allégorie. Les personnages de Kabanova et Dikoï, deux êtres brutaux sans foi ni loi, de ceux qui ne tolèrent ni le compromis ni la contradiction, pourraient bien être les paraboles de qui vous savez du côté du Kremlin ou de la direction des armées, une violence exacerbée par le rôle pas tellement secondaire de l’orage. Comme dans tout totalitarisme, chez MAUVIGNIER seul le jugement de la mort compte, d’autant que l’auteur est ici encore une fois rattrapé par l’un des thèmes majeurs de son oeuvre : le suicide.

« L’orage » n’est pas un texte à prendre à la légère car il reflète avec justesse tout un théâtre russe dramatique du XIXe siècle (et l’occasion de constater une fois de plus que chez les russes, la littérature fut une raison de vivre, un combat permanent, y compris celui de moderniser et d’inventer). De plus, réécrit par MAUVIGNIER il devient universel, à la fois contemporain et historique, il devient force. Et l’allégorie n’en est que plus remarquable.

« Voilà ce que c’est, notre ville, cher monsieur. Ils ont fait un boulevard pour que le vide s’étire les jambes et se sente bien à l’aise ! Un boulevard où personne ne se promène, à part peut-être les jours de fêtes, pour que les bourgeois puissent montrer la garde-robe de madame et le complet de monsieur. Il y a bien de temps en temps des employés ivres morts qui traînent en sortant d’un bar, mais c’est tout. Les pauvres n’ont pas le temps de se promener, ils triment jour et nuit ».

Cette pièce de MAUVIGNIER fut jouée sur scène à partir de janvier 2023, c’est dire si elle est récente, elle est mise en scène par Denis PODALYDÈS, je serais fort curieux de voir le résultat tellement cette version papier m’a paru convaincante. Encore une réussite dans l’œuvre de Laurent MAUVIGNIER, à  coup sûr l’un des auteurs français actuels les plus puissants, les plus cohérents et les plus originaux, les plus variés, qui ne rechigne pas à prendre des risques malgré (ou grâce à ?) sa notoriété. Cette pièce deviendra-t-elle peut-être un jour à son tour un classique ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Comme l’ensemble de l’œuvre fictionnelle de MAUVIGNIER, elle est sortie chez Minuit.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

dimanche 18 juin 2023

Mary Eleanor WILKINS FREEMAN « La volonté des femmes »

 


Parfois, l’air de rien, un éditeur déterre (le mot n’est pas trop fort) un « truc » étonnant presque à son corps défendant. Pour exemple ce recueil de nouvelles de Mary Eleanor WILKINS FREEMAN paru l’an dernier chez Finitude. Au premier coup d’œil, rien de bien révolutionnaire : nouvelles rurales états-uniennes, histoires de fermiers, de famille, de relations humaines. Oui mais penchons-nous un peu mieux sur le contexte et le fond de ce livre…

« La volonté des femmes » renferme huit nouvelles écrites par une femme de son temps. Enfin, plutôt en avance sur son temps, du moins propose-t-elle une réflexion sur un sujet jusqu’alors relativement tu : le rôle de la femme dans la société rurale états-unienne de la fin du XIXe siècle. Car tout est là. Mary Eleanor WILKINS FREEMAN (1852-1923), à peu près avant toutes les autres, décrit des fictions où les femmes se révoltent dans leur quotidien, rêvent d’indépendance, de liberté, d’émancipation et d’affranchissement au sein d’une société patriarcale et revendiquée comme telle. Oui mais des femmes issues de milieux populaires, entières et déterminées alors que la littérature du moment fait se rebeller des bourgeoises en robes de soie.

Ces huit nouvelles furent écrites entre 1887 et 1909, on y voit poindre des réflexions qui seront développées plus tard dans ce même pays. Je pense notamment aux thèses de Virginia WOOLF ou à celles d’Emma GOLDMAN (à la même période donc pour cette dernière, mais dans une approche très différente). J’imagine parfaitement que Mary Eleanor WILKINS FREEMAN fait alors sensation, ou en tout cas est vue comme une mutante à son époque. En cette période déjà fortement teintée de misogynie, de domination sociétale mâle, qu’une femme ait osé se lever seule contre ces états de fait semble relever du miracle. Chaque histoire de ces nouvelles met en scène des femmes bien décidées à ne plus vivre sous le joug des hommes.

Ces nouvelles sont de petites merveilles pour plusieurs raisons : leur univers est un peu celui de certains textes de John STEINBECK ou de Erskine CALDWELL, mais en version féministe et surtout, surtout, plusieurs décennies avant, ce qui fait rebattre les cartes et pose de nouvelles et précieuses questions sur la littérature états-unienne de cette période.

Les personnages de l’autrice ne sont pas totalement aboutis puisque le format court ne permet pas pareil exercice, mais ses femmes sont mises en valeur, sans y omettre leurs défauts, elles sont vraies, combattantes, à partir de rien, de peu d’instruction, elles développent un amour pour la liberté, se confrontant au monde des hommes. Le style est simple, les dialogues parfois ruraux comme leur environnement, renforçant la crédibilité des portraits.

Mais autre chose nous titille : ces nouvelles ont plus d’un siècle, c’est dire si elles ont eu le temps de baigner dans leur jus et, je dirais presque, devenir obsolètes (ce qui, je vous rassure, n’est pas le cas, même si le féminisme a fait son chemin depuis et s’est imposé de manière efficace). Ce qui me chagrine, c’est que plus d’un siècle après, c’est la première fois que cette autrice est traduite en France ! Rien que ce détail – qui est loin d’en être un – sert à nous alarmer sur l’état de la mentalité de la littérature : une femme de la trempe de STEINBECK et compagnie, mais ayant surtout écrit des décennies plus tôt, n’a jamais franchi l’Atlantique par ses textes, la France, l’Europe, le monde, qui ont préféré avoir les yeux rivés sur ses fils (le mot n’est pas anodin) spirituels. Vous rendez-vous compte du scandale ? La belle préface et la traduction de Pauline TARDIEU-COLLINET rendent parfaitement compte du message de volonté de liberté.

Bref, ces huit nouvelles sont exemplaires, elles sont porteuses de bonnes nouvelles, car toutes ayant des fins heureuses (hormis la toute dernière, « La vieille Magoun » qui jette un voile pudique et sombre en toute fin de volume), elles font un bien fou. Les femmes de Mary Eleanor WILKINS FREEMAN se moquent des commérages, du « Qu’en dira-t-on ? », elles prennent des décisions courageuses et définitives, elles s’imposent dans un environnement qui pourtant les laisse à part. Poussées par leur foi chrétienne (il est en effet par moment nécessaire de se replacer dans le contexte historique et dans l’espace-temps), poussées par leurs rêves, ces femmes déplacent des montagnes, s’affranchissent de la domination masculine. Dans chacune des nouvelles souffle un air de liberté grâce à ces femmes déterminées, dans des scénarios simples mais aux univers prenants. S’il faut retenir un titre, allons-y pour « Deux amies », qui sans pourtant jamais écrire le mot, évoque de manière claire le lesbianisme (pensez donc, aux abords du XXe siècle en un pays puritain !). D’ailleurs l’autrice était elle-même lesbienne, et si elle avait choisi de se marier avec un homme, elle en fut rapidement revenue et vécut ensuite pleinement sa relation avec une femme.

Tout ceci mis bout à bout fait de ce recueil bien plus qu’une curiosité, mais un livre qu’il faudrait faire circuler, qui sonne un peu comme le début d’une grande vague. Par pitié, lisez Mary Eleanor WILKINS FREEMAN, et posez-vous cette simple question : pourquoi a-t-on tant attendu pour la publier en France ? De quel droit a-t-elle été invisibilisée ? Ce recueil est sorti en 2022 chez Finitude, bien plus qu’une anecdote, il est un témoignage et un jalon à lire et à offrir.

https://www.finitude.fr/

(Warren Bismuth)

mercredi 14 juin 2023

Marina TSVÉTAÏEVA & Maximilian VOLOCHINE « De vie à vie »

 


Le contenu de ce livre est original et pousse à la réflexion. Je devrais presque plutôt écrire « de ces deux livres » car nous avons bien là deux auteurs pour deux formats dans un  même ouvrage. Tout d’abord un carnet de souvenirs, ceux de Marina TSVÉTAÏEVA (1892-1941) pour son cher ami poète Maximilan VOLOCHINE (1877-1932). Si la poétesse reprend un peu la forme de son « Pouchkine » (enfin, c’est plutôt le contraire, le présent texte ayant été écrit en 1932 et « Mon Pouchkine » en 1937), soit une sorte de biographie un peu expérimentale, somme de mosaïques cousues les unes aux autres, la différence majeure entre les deux textes est leur approche : pour l’hommage à POUCHKINE, TSVÉTAÏEVA se place en admiratrice pour un homme disparu, un inconnu en quelque sorte. Ici, elle se met fermement dans la position de l’amie, puisqu’elle fut une proche de VOLOCHINE.

TSVÉTAÏEVA semble avoir été très marquée par sa première rencontre avec le poète ukrainien, s’attardant sur ce moment, avant de parler avec moins de minutie des suivantes. Puis portraitise une certaine Élizavéta Ivanovna Dimitriéva, l’occasion pour l’autrice de mettre en avant l’un de ses combats de toujours : le féminisme.

Puis retour sur son ami Maximilian, l’auteur de la supercherie faisant croire à l’existence de l’écrivaine Chérubina de Gabriac qu’il a pourtant montée de toutes pièces. VOLOCHINE est d’ailleurs décrit comme un être facétieux, loin de ce que l’imaginaire collectif pourrait le dépeindre. TSVÉTAÏEVA se plaît à dévoiler quelques souvenirs de l’enfance et de la jeunesse de VOLOCHINE, nous arrachant des sourires et mêmes des rires (une gageure dans la littérature russe !). Certes, ses souvenirs en forme de patchwork ou presque de somme de feuilles volantes qui seraient tombées à terre puis reconstituées dans le désordre. Celui qu’elle considère comme un lion est loin de la laisser indifférente, on la sent proche mais aussi admirative et peut-être aimante en un sens.

Un lion, certes… Mais aussi un homme féminin, c’est en tout cas ce que TSVÉTAÏEVA voit en VOLOCHINE, dans ce qu’il dégage, lui, influencé par la culture française, à la fois mystique et solitaire (il vit seul 8 mois de l’année), mort à 57 ans, est montré ici comme un être loin de la virilité masculiniste, homme plutôt pacifiste, effrayé par la violence.

Le voilà justement, à partir de la seconde moitié de l’ouvrage. Cette fois-ci c’est bien lui qui s’exprime librement (enfin, librement, façon de parler, nous sommes tout de même dans le pays de la censure et de l’interdiction littéraire), par le biais de ses poèmes, des poèmes d’une grande puissance, dans lesquels l’auteur se donne à fond, s’insurge, fait part de sa peur, celle de la guerre (VOLOCHINE demanda l’objection de conscience en 1914), renvoie dos à dos les révolutionnaires et leurs ennemis dans un pays qu’il ne reconnaît plus, où l’intolérance gagne chaque jour un peu plus (nous sommes au lendemain de la Révolution d’octobre 1917), un pays qui lui semble devenir fou. Le ton peut être tour à tour maritime puis christique, toujours cherchant le chemin de la lucidité, de la tolérance. Dans une poésie réaliste et vibrante, VOLOCHINE, né à Kiev en 1877, évoque le destin sombre des écrivains. Ce recueil de poèmes se clôt sur le long et époque « Le protopope Avvakoum », poème que selon TSVÉTAÏEVA il a réécrit sept fois, pour un résultat déconcertant, une biographie de 1918 en vers libres, sans aucune possibilité de répit.

Quinze poèmes pour découvrir l’œuvre d’un auteur injustement oublié, mais quelle poésie ! Jamais grandiloquente, jamais prétentieuse, jamais ampoulée, elle va droit à son but, fait part de la violence au quotidien, les mots fouettent, derrière eux se cache l’émotion d’un poète sensible qui fut interdit de publication dans son propre pays dès 1922. Les éditions Mesures viennent de commettre ce livre double (le texte de TSVÉTAÏEVA fut publié en 1991 mais est épuisé aujourd’hui), traduit et préfacé de main de maître par André MARKOWICZ dans une couverture illustrée par Françoise MORVAN. Une fois de plus, toute la Russie semble être renfermée en un volume, elle est violente et autoritaire, sans concession et totalitaire, elle ressemble tellement à la Russie contemporaine…

« Je te placerai là, en témoin des folies,

Je te ferai passer sur le fil de la lame

À travers les brasiers d’une guerre

Fratricide, inutile, sans issue

Pour que tu sois porteur du grand silence

De la mer miroitante au crépuscule ».

(Maximilan VOLOCHINE, 12 juin 1919).

https://mesures-editions.fr/

(Warren Bismuth)

dimanche 11 juin 2023

Pierre BAYARD « Et si les Beatles n’étaient pas nés ? »

Attention spoiler alert ! Le titre de ce nouvel essai (2022) de Pierre BAYARD est une supercherie. Si vous vouliez tout savoir sur les Beatles et les raisons de leur renommée analysées au rayon X, vous voilà refaits ! En effet, seulement un chapitre et à peine 10 pages sont consacrés aux fameux Scarabées de Liverpool et à celui qui les fit découvrir au monde entier en octobre 1961 : Brian EPSTEIN. En revanche, si vous n’êtes pas rancuniers et que vous décidez d’aller au bout de ce documentaire, vous allez en apprendre de belles tout en vous amusant follement, comme souvent chez Pierre BAYARD.

BAYARD est l’un de ces types que la version rationnelle de l’Histoire ne satisfait pas, et qui cherche à comprendre par ses propres moyens. Alors il va fourrer son nez dans une écriture parallèle. Ainsi, dans cet essai comme toujours consacré en partie à la littérature, il va à nouveau déconstruire des pensées, des certitudes. Rien de mieux que de convoquer des œuvres célèbres pour alimenter et documenter son raisonnement.

L’auteur nous entretient sur l’éclipse historique, en gros (ne pas) être au bon endroit (pas) au bon moment. Il en va pour la plupart des exemples réunis dans cet essai. Il est question des destins de Camille CLAUDEL, de Ben JONSON, ami et rival de SHAKESPEARE, par ailleurs auteur de « Volpone et le renard », œuvre redécouverte des siècles après sa mort et qui fait aujourd’hui autorité dans le théâtre.

BAYARD imagine un monde « sans » : sans MARX par exemple (et c’est PROUDHON qui aurait vraisemblablement tiré les marrons du feu), sans FREUD et les personnalités multiples, sans KAFKA, sans PROUST (quasiment ignoré avant d’être adulé dans des circonstances que rappelle l’auteur), sans Simone de BEAUVOIR et tant d’autres. Ou un monde sans « Le docteur Jivago » de PASTERNAK car, une fois de plus, la réalité historique la plus tordue qui soit nous vient de Russie (d’U.R.S.S. pour être précis), pays ignorant parfaitement le roman fleuve de PASTERNAK à sa sortie (censure oblige), alors que ce sont les Etats-Unis qui seront à la manœuvre pour justement le faire connaître en Occident et ainsi décrédibiliser le régime soviétique.

Ecrit ainsi, cela peut paraître superficiel. Mon propos ne se risquera pas à entrer dans les détails, ceux concernant les biais cognitifs ou encore les univers parallèles, mais en résumant succinctement, on peut noter que BAYARD emprunte des figures ou des œuvres passées, les recontextualise et les imagine telles que leur écho aurait pu advenir ou non dans un autre monde, à une autre époque, sans les mêmes « concurrents » par exemple, sans les mêmes tenants ni les mêmes aboutissants. Sans vous en dévoiler plus, il faut lire le chapitre dédié à Louise LABÉ afin de bien comprendre la démarche de l’auteur : comment nous créons et modelons un mythe, ici littéraire.

Mais cet ouvrage est aussi celui d’un psychanalyste érudit qui se plaît à glisser des uchronies dans ses propos pour en montrer la force. Il emploie souvent le terme « paradigme » pour situer une œuvre ou une célébrité dans un espace défini du temps à un moment donné, puis la faire glisser ailleurs, sans oublier « l’influence rétrospective », passionnante, qui dépeint un événement servant à la compréhension du passé et non pas du futur.

L’éclipse prend une place non négligeable dans les réflexions de l’auteur, qui là aussi prend des modèles documentés, montrant que telle œuvre oubliée, est réapparue plus tard, en quelque sorte dans un autre monde, pour être prise en exemple sans pourtant avoir traité exactement des sujets énoncés ensuite par les spécialistes.

Méticuleusement, BAYARD déroule ses idées et en vient au cas spécifique du féminisme, où des femmes ont été oubliées de l’Histoire (souvent écrite par des hommes - dominants), puis ont fini par ressurgir grâce à une conjoncture plus favorable. Je n’en dévoilerai pas plus, et même si ce livre est parfois un peu ardu, il vaut le coup par son originalité, ses pieds de nez à l’Histoire et ses réhabilitations (ou ses condamnations, là aussi a posteriori), un essai qui nous rend curieux car délivrant de nombreuses références. Comme la plupart des ouvrages de l’auteur, il est sorti dans la prestigieuse collection paradoxe des éditions de Minuit.

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

 (Warren Bismuth)

mercredi 7 juin 2023

Vassili GROSSMAN « Tout passe »

 


Ce roman est sidérant. La vieille antienne « Connaître le passé pour comprendre le présent » n’a peut-être jamais été aussi juste dans la littérature. Après 30 ans de détention, Ivan Grigorievitch revient enfin chez lui en U.R.S.S. au milieu des années 1950, où son cousin et sa femme l’attendent. Le stalinisme vient de s’éteindre officiellement après la mort de son mentor en 1953. Seulement Ivan a presque tout loupé de cette expérience. Lorsqu’il recouvre la liberté, il observe un pays transformé dans lequel par exemple l’antisémitisme et le racisme sont non seulement banalisés mais encouragés par les autorités, les procès des opposants au régime ont été truqués, expéditifs. Il découvre la réalité de la famine en Ukraine provoqué par l’État dans les années 30, le tristement célèbre Holodomor.

Ivan Grigorievitch va de surprise en surprise, de chocs en anéantissements : l’affaire des Blouses Blanches, les mensonges élevés au rang de doctrine politique, la farce du collectivisme soviétique, les dénonciations, les calomnies, les emprisonnements arbitraires (GROSSMAN revient sur le destin de femmes combattantes). Lors de son voyage de retour, il rencontre Macha, qui revient aussi des camps.

De la dékoukisation de 1929 à la mort de STALINE en passant par la famine à partir de 1932, l’emprise d’un système totalitaire, peut-être le plus effrayant de tous, les partisans ancrés dans la Révolution, la responsabilité de LENINE, tout est décrit avec détachement, sans larmes, froidement, somme de tragédies comme égrenées sans émotion. « Ivan va revenir et il ne trouvera que des tombes, que des tombes… ». Sans oublier les premiers balbutiements de la déstalinisation.

Car tout à coup, le roman cesse d’en être un pour devenir une histoire de l’U.R.S.S. stalinienne, truffée d’horreurs quasi indicibles. GROSSMAN raconte, avec minutie, comme un journaliste d’investigation. Mais son héros Ivan Grigorievitvh ne serait-il pas une allégorie de lui-même, l’auteur de ces lignes ? En effet, GROSSMAN a été longtemps aveugle sur le système soviétique d’anéantissement, il a même vu d’un bon œil le régime, l’a défendu contre le nazisme (« Pour une juste cause »), avant de renvoyer dos à dos les deux totalitarismes (« Vie et destin »), peut-être un peu tard. Lorsqu’il a fini par ouvrir les yeux, il n’y a vu que des charniers, des massacres, des manipulations d’État. Et il a pris sa plume pour dénoncer. « Depuis, trente ans environ s’étaient écoulés et, durant ces trente années, Ivan n’avait pas été plus d’un an en liberté. Nicolas Andréiévitch l’avait vu pour la dernière fois en 1936, peu de temps avant qu’il fût de nouveau arrêté. Il allait passer dix-neuf ans sans interruption dans les camps ». Mais il va plus loin, remonte jusqu’à l’abolition du servage en 1861.

« Tout passe » est l’ultime roman de GROSSMAN sonnant comme un testament et une fresque historique. L’écrivain témoigne enfin des atrocités du stalinisme. Le livre peut être lu comme la fin d’une trilogie entamée avec « Pour une juste cause » (où l’auteur décrivait les abominations du nazisme), poursuivi avec « Vie et destin » (où, comme écrit plus haut, il place les régimes nazi et stalinien sur le même niveau dans leur politique d’extermination), « Tout passe » se focalisant quant à lui sur le stalinisme, sans jamais faire référence au nazisme.

Roman débuté en 1955, il est achevé en 1963, trois ans ans après l’année noire de GROSSMAN, celle où « Vie et destin » fut condamné puis interdit et détruit par les autorités. GROSSMAN a mûri, a été frappé d’un profond désenchantement dont il tombe très malade, jusqu’à s’éteindre en 1964, peu après l’achèvement de ce chef d’œuvre. Car « Tout passe » en est un. En un roman assez bref, GROSSMAN passe le stalinisme au peigne fin, l’analyse et le démonte pièce par pièce, c’est un travail d’orfèvre. « Mais ici il n’y a de liberté ni pour celui qui écrit des livres ni pour celui qui sème le blé ni pour celui qui fait des bottes ».

Ce roman vient d’être réédité récemment, dans la même traduction de Jacqueline LAFOND (de 1984), il résonne particulièrement en ces temps troublés où le poutinisme reprend certaines doctrines de son aîné le stalinisme depuis plus de vingt ans, cherchant à reconstruire l’U.R.S.S. sur les bases d’atrocités, et on le voit encore aujourd’hui avec cette occupation d’un pays indépendant, l’Ukraine, l’occasion de jeter un coup de projecteur sur la période de l’Holodomor car nous nous devons de connaître le XXe siècle soviétique pour comprendre le XXIe siècle russe.

 (Warren Bismuth)

dimanche 4 juin 2023

Fédor DOSTOÏEVSKI « Les carnets du sous-sol »

 


« Les carnets du sous-sol » est un roman assez bref rédigé en 1864, juste avant les œuvres considérées comme majeures chez DOSTOÏEVSKI (« Crime et châtiment », « L’idiot », « Les démons », « Les frères Karamazov », etc.).

Jamais peut-être une œuvre n’a commencé de manière aussi radicale, aussi violente, aussi emplie d’autocritique pour ne pas dire d’autodestruction : « Je suis un homme malade… Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir, voilà ce que je suis. Je crois que j’ai quelque chose au foie. De toute façon, ma maladie, je n’y comprends rien, j’ignore au juste ce qui me fait mal. Je ne me soigne pas, je ne me suis jamais soigné, même si je respecte la médecine et les docteurs. En plus, je suis superstitieux comme ce n’est pas permis ; enfin, assez pour respecter la médecine (je suis suffisamment instruit pour ne pas être superstitieux, mais je suis superstitieux). Oui, c’est par méchanceté que je ne me soigne pas. Ça, messieurs, je parie que c’est une chose que vous ne comprenez pas. Moi, si ! Evidemment, je ne saurais vous expliquer à qui je fais une crasse quand j’obéis à ma méchanceté de cette façon-là ; je sais parfaitement que ce ne sont pas les docteurs que j’emmerde en refusant de me soigner ; je suis le mieux placé pour savoir que ça ne peut faire de tort qu’à moi seul et à personne d’autre. Et, malgré tout, si je ne me soigne pas, c’est par méchanceté. J’ai mal au foie. Tant mieux ! Qu’il me fasse encore plus mal ! ».

La narrateur est homme portant une quarantaine tiraillée, un de ces êtres fatigués trop tôt. Malade du foie, ancien fonctionnaire, il déverse son fiel sur la société en un long monologue désillusionné et violent. Il prend l’Homme à témoins, montrant du doigt sa conception erronée des intérêts en une absence de raison qui le conduit au drame dans son incapacité d’analyse. Dans un discours philosophique autant que sociologique, le narrateur démontre que deux et deux ne devraient jamais faire quatre car, si cela est le cas, la volonté n’existe pas. Il ne faut surtout pas que le résultat soit quatre !

La vue d’ensemble, globale, se rétrécit soudain vers des contemporains du narrateur, par le biais de vies plus intimes, d’exemples pris dans le milieu de ses connaissances directes. Toujours hanté par un esprit torturé où le nihilisme semble avoir élu domicile, le narrateur tire à boulets rouges sur les personnages qu’il dépeint, jugés vils et insignifiants, sans épaisseur, en somme méprisables. Survient une fête où eux comme lui s’enivrent, l’atmosphère devient délétère, la tension palpable, les codes du genre explosent. Commencent alors des scènes tout ce qu’il y a de plus Dostoïevskiennes : longues tirades, alcool, violence, hésitations, provocations, surenchère, intimidations, souffrance dans l’élocution, comme si l’auteur était atteint d’une de ses horribles crises d’épilepsie (crises qui influencèrent son œuvre).

Le narrateur rencontre une jeune prostituée, Lisa, il s’est mis en tête de la sauver, il va devenir son ange gardien. C’est la troisième partie de ce roman, cette fois tout en romantisme déchirant, bien éloignée du discours imposé auparavant par le narrateur – et l’auteur. Puis vient l’une des figures tutélaires des personnages de DOSTOÏEVSKI, l’homme paradoxal.

Dans « Les carnets du sous-sol », certains protagonistes de l’oeuvre future de DOSTOÏEVSKI semblent être présentés. On pourra voir les traits de futurs héros de « Crime et châtiment », « L’idiot » ou autre « Les démons » notamment. Le ton évolutif du récit devient contradictoire, décousu, restant malsain et étouffant, entre agressivité, désenchantement et rédemption recherchée, entre amour et haine, ce qui caractérisera d’ailleurs une bonne partie de l’œuvre du russe.

Ce roman est le premier de l’intégrale fictionnelle traduite par André MARKOWICZ, travail débuté en 1990 avec cette proposition aux éditions Actes sud, texte qui sera accepté mais à condition de ne pas être le premier proposé pour cette intégrale, car jugé par l’éditeur comme trop violent. MARKOWICZ proposera alors « Le joueur » et l’aventure longue de 10 ans sera amorcée.

« Les carnets du sous-sol » est une curiosité car en moins de 200 pages il balaie une bonne partie des sujets de référence de DOSTOÏEVSKI, il fait mal, il heurte, il brûle, il ne se laisse pas le temps de souffler, il attaque et contre-attaque tout à la fois, il ne peut pas être sous-estimé.

Ayant à nombreuses reprises présenté l’œuvre de DOSTOÏEVSKI au risque d’ennuyer voire d’excéder mon lectorat, je le libère aujourd’hui de mes interventions Dostoïevskiennes.

 (Warren Bismuth)