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mercredi 26 février 2025

Hervé LOICHEMOL « Le métro de Gaza et autres textes »

 


Petite information en préambule : les éditions L’espace d’un Instant viennent juste de rééditer, cette fois-ci dans la collection Sens Interdits, « Les monologues de Gaza » du théâtre Ashtar dont j’avais fait une chronique ICI lors de sa sortie en 2017, un livre qui fait forcément écho à celui présenté ce jour.

Plusieurs textes de Hervé Loichemol sont publiés dans ce volume « Le métro de Gaza ». La pièce de théâtre éponyme de 2022 est une descente au cœur d’un métro palestinien inventé par un certain Abusal. C’est dans ce métro qu’en pleine occupation israélienne pénètre Khawla, une palestinienne à la recherche d’un homme qu’elle a rencontré sur les réseaux sociaux, Djamil, un gazaoui qui ne donne plus signe de vie. Son téléphone a été intercepté par quelqu’un d’autre. Khawla se lance donc dans une quête et tombe fatalement sur Abusal, le créateur du métro, dans une ambiance de guerre où les bombes explosent tandis que les portes des voitures du métro s’ouvrent et se ferment, dans ce qui semble être une profonde absurdité. « Vous croyez qu’on ne sait pas lire à Gaza ? Qu’on n’a pas d’écoles, de professeurs, de livres, de théâtres, de cinémas ? Que nous ne faisons pas partie du monde ? Que nous sommes des ostrogoths ? Des animaux ? Des rats ? ».

Oui mais. Ce Djamil existe-t-il vraiment ? Et si oui, porte-il bien ce nom qu’il a donné à Khawla ? Puis intervient une pièce dans la pièce : les comédiens jouant « Le métro de Gaza » se mettent à échanger en aparté, parfois en anglais (il vaut mieux connaître quelques bons rudiments pour suivre les conversations). Texte sur les pertes d’illusions, le traumatisme de l’occupation, le quotidien en temps de guerre. « Je rêve d’un soldat qui aurait refusé de tirer ».

La seconde pièce au titre énigmatique « Les échinides » fut terminée en 2023 après bien des péripéties dont Hervé Loichemol nous entretient en annexe. Texte original et aux multiples têtes, il est d’abord l’anatomie d’un oursin par un homme. Qui finit par discuter avec lui, nommé Le dormeur du sable. Ce dernier évoque le poète palestinien Mahmoud Darwich, puis en récite la poésie. Il incarne Darwich. Non, il EST Darwich. Il défend son poème « Passants parmi les paroles passagères », jadis condamné par l’Etat d’Israël (voir ma chronique de l’affaire du poème ICI, livre récemment réédité par les éditions de Minuit). Le dormeur du sable/Darwich parle de l’occupation Israélienne en Palestine, elle ne date pas d’hier.

« Lapis Judaïcus, la pierre juive, c’est le nom donné aux épines de certains échinides », enfin est éclairé le titre de la pièce, un texte d’abord abscons, puis se faisant de moins en moins brumeux, de plus en plus net jusqu’à l’explication finale. Sept annexes sont jointes aux deux textes, dont l’une précisément sur les conditions de répétitions de la présente pièce, un mort notamment.

Les autres annexes de ce volume sont des reproductions d’articles sur la position de l’auteur sur l’occupation de Gaza par Israël depuis des décennies, puis sur l’après 7 octobre 2023 et ce qu’il a changé, à la fois dans l’imaginaire collectif mais aussi dans la sémantique de certains médias. L’auteur revient aussi sur l’attaque du Théâtre de la Liberté de Palestine par l’armée Israélienne, les arrestations d’acteurs, de figures du théâtre palestinien.

« Le métro de Gaza », texte ô combien militant, vient de sortir aux éditions L’espace d’un Instant, dans la collection Sens Interdits, 150 pages sans concession, humanistes autant qu’offensives.

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(Warren Bismuth)

mercredi 6 novembre 2024

Mahmoud DARWICH « Palestine mon pays »

 


Mars 1988 en Israël, peu après le début de la première intifada palestinienne c’est, une fois n’est pas coutume, un poème qui fait les titres des journaux. « Passants parmi les paroles passagères » est signé Mahmoud Darwich (1941-2008), célèbre poète palestinien également membre du comité exécutif de l’O.L.P. (organisation pour la Libération de la Palestine) et proche de Yasser Arafat. Ce poème, traduit de l’arabe vers l’hébreu, est présenté comme un texte terroriste, antijuif. Il faut dire que la traduction n’est pas gratuite, elle est tournée de telle façon que les mots, les phrases, les idées mêmes sont corrompus. Il est fait dire aux vers de Darwich que le peuple palestinien souhaite que tous les habitants d’Israël se noient dans la mer (en fait il y est écrit : « Alors, sortez de notre terre / de notre terre ferme, de notre mer »). La traduction du poème par des journalistes israéliens le rend tout à coup quasi génocidaire pour le peuple israélien, ce que bien sûr il n’est pas.

Le sort de Darwich semble désormais scellé : attaqué de toute part, y compris par l’Etat d’Israël, il n’est plus libre de sa plume, étant dans le viseur de l’occupant, d’autant qu’il a déjà connu de fortes préoccupations et pressions politiques depuis les années 60 pour ses prises de position, ayant dû pratiquer l’exil. Quelques semaines après la parution du poème, bien qu’au Parlement israélien, le premier ministre Ytzhak Shamir lui-même l’évoque en termes crus tout en refusant de le lire, arguant qu’il ne souhaite pas le voir ultérieurement consigné dans les archives de la Knesset.

Les traductions en hébreu font dire au poème ce qu’il ne dit pas. Mieux : elles lui font dire à peu près le contraire. Ce poème est un texte de résistance contre l’occupation israélienne, l’auteur demande à l’occupant de partir, de quitter le territoire palestinien, les journalistes et l’autorité israélienne y voient un appel au meurtre, au massacre, alors que, par exemple, Mahmoud Darwich a toujours su faire la promotion de la littérature israélienne engagée.

« Passants parmi les paroles passagères » devient rapidement une affaire d’Etat. Dans ce petit livre paru dès « l’affaire » (il est d’ailleurs sous-titré « L’affaire du poème ») dans la sublime collection Documents des éditions de Minuit, la parole est donnée brièvement à son directeur d’alors, Jérôme Lindon, puis immédiatement à la cinéaste Simone Bitton qui relate précisément les événements qui ont conduit à une pareille absurdité dans un texte fort intitulé « Le poème et la matraque », où elle revient sur l’exercice de traduction du poème en hébreu qui a tout déclenché, pas vraiment innocemment. Puis sont publiées tout d’abord l’intégralité du poème condamné (où l’on voit bien que le texte n’est pas une attaque gratuite ni une déclaration de guerre, mais bien une volonté d’indépendance), ainsi qu’une lettre écrite à un ami à cette époque par son auteur, Mahmoud Darwich, dans laquelle il explique ce qu’il a bel et bien écrit, tout comme dans le texte « L’hystérie du poème » qui lui fait immédiatement suite. « Un poème de la colère » est signé Matitiahu Peled, officier de l’armée israélienne, qui donne son point de vue sur le poème, qu’il défend (alors qu’il est israélien). Un autre israélien, journaliste humaniste, Ouri Avnéri, prend position pour le poème, dénonce les pressions dans « L’arrogance de la gauche israélienne ».

Tous ces textes ont été écrits juste après la publication du poème en hébreu, pour le justifier dans sa langue originelle, l’arabe, surtout pour démontrer la manipulation invraisemblable de l’Etat d’Israël qui l’a brandi comme une arme de destruction massive, juste (je le répète) après la première intifada. Au-delà de sa documentation historique de premier plan, ce petit livre sert un discours plus universel, celui de la liberté d’écrire et de publier, contre l’arbitraire d’un régime politique qui ne devrait pas faire de l’ingérence dans la culture. Mais c’est aussi une alerte : contre la dérive journalistique doublée de l’erreur volontaire de traduction. Comme pour bien nous rappeler qu’une traduction est peut-être aussi importante que le texte qu’elle traduit, qu’elle doit être rigoureuse, que sinon elle dénature la portée du texte voire pire, car ici nous avons l’exemple parfait d’une manipulation de masse où une traduction donne un aspect guerrier qu’il n’a pas à un poème pacifiste et résistant. La traduction ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi, elle possède une responsabilité majeure dans le sens du texte original.

Dans la lettre publiée dans ce recueil, Mahmoud Darwich écrit : « Cette campagne est-elle dirigée réellement contre ce poème ? Je ne le pense pas. Elle fait plutôt partie de la propagande officielle qui vise à contrecarrer la prise de conscience pacifiste d’un grand nombre d’intellectuels israéliens et juifs appelant à la reconnaissance d’un Etat palestinien à côté de l’Etat israélien dès le retrait des territoires occupés ».

Après l’attaque du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre 2023, une pluie de bombes et de massacres s’en est immédiatement suivie, l’occupation israélienne d’une extrême violence a trouvé le prétexte idéal à une riposte plongeant les terres palestiniennes en état de guerre. Les éditions de Minuit ont à leur tour riposté, à leur manière, en rééditant en novembre 2023 ce livre de 1988, comme pour montrer que l’affaire du poème est encore en train de s’écrire. Et comme pour soutenir une fois de plus la cause palestinienne, l’éditeur reprend son bâton de pèlerin en répliquant par ses publications, de manière pertinente et intelligente, prouvant que les éditions de Minuit, contrairement à ce que l’on pouvait croire après leur rachat par Gallimard le 1er janvier 2022, n’ont rien perdu de leur mordant, ne se sont pas dépolitisées. Ce « Palestine mon pays » le démontre de manière magistrale.

« La propagande israélienne a-t-elle besoin d’un poème comme « Passants parmi des paroles étrangères » pour tester ses facultés exceptionnelles à la falsification des faits et au déni de l’autre ? Pourquoi voit-elle dans la mer, qui est le lieu de notre exode, un cimetière de juifs ? Qui a jeté l’autre dehors ? Qui de nous a spolié l’autre ? » (Mahmoud Darwich, 22 mars 1988).

http://www.leseditionsdeminuit.fr/

(Warren Bismuth)

dimanche 18 août 2024

Hannah KHALIL « 76* ans de fragments »

 


Cet astérisque dans le titre n’est pas une faute de frappe. Dès l’entame l’autrice explique cette curiosité : « L’astérisque du titre de la pièce fait référence au nombre d’années depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948. Le texte est publié en 2024, d’où la référence aux soixante-seize ans, mais il est demandé d’actualiser ce nombre en conséquence à chaque utilisation de la pièce ».

Des fragments donc. Nombreux, des dizaines d’intervenants palestiniens prenant la parole tour à tour pour raconter l’occupation de leur pays depuis 1948. Un quotidien fait de checkpoints, de contrôles, de présence de l’armée israélienne, une vie au rythme des couvre-feux. Au fil de la lecture, on réalise la récurrence de l’apparition de certains personnages, que nous suivons sur des bribes de leurs existences. Différentes vies, développées dans cette pièce, s’entrecroisent tandis que les autorités israéliennes renvoient à une bureaucratie toute kafkaïenne.

Les civils achètent des oignons à prix exorbitants, qui servent à se protéger des gaz lacrymogènes de l’armée alors que la jeunesse veut quitter le pays, dans un décalage profond : « Il est dix heures vingt pour moi, on s’était dit… ah mais oui – le décalage horaire… tu as deux heures de moins que moi. Tu le crois, ça, que la Palestine soit en avance sur l’Occident ? ».

Des instantanés, intimes, des face-à-face avec l’ennemi, la musique de Oum Khaltoum en fond, la persistance d’un soldat sympathique (pas pour tout le monde). C’est près de 70 ans de l’occupation d’Israël en Palestine ici dépeints (68 ans très exactement, la pièce ayant été conçue à Londres en 2016 avec comme titre « Scenes from 68* years »). L’autrice irlando-palestinienne Hannah Khalil met en œuvre son talent pour raconter de manière originale une partie de ses propres racines.

Nadja Nakhlé-Cerruti est à la (très récente) préface, Ronan Mancec à la traduction à partir du texte anglais original. Pour mieux comprendre la population palestinienne, l’histoire contemporaine singulière et terrible de ce pays, un livre dérangeant et fort instructif nous est livré, il vient juste de sortir aux éditions L’espace d’un Instant, il est à se procurer sans hésiter.

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(Warren Bismuth)

dimanche 16 juin 2024

WINTER FAMILY « H2 – Hébron / Patriarcat, vivre en confinement éternel »

 


Deux pièces de théâtre françaises, ce n’est pas fréquent chez cet éditeur. La première, « H2 – Hébron », de 2018, est présentée comme un monologue documentaire, résultat de 500 pages de témoignages récoltés dans la ville palestinienne d’Hébron contrôlée par Israël. Quelques dates majeures du XXe siècle sur ce territoire sont consignées, comme ce médecin qui entre dans une mosquée en 1994 et exécute froidement 29 palestiniens avant d’être tué et vu soit comme héros soit comme fou, ou encore ce lointain pogrom de 1929.

Ces échanges à nombreuses voix sont plutôt des dialogues de sourds, de brefs monologues flirtant avec l’absurde, chacun avançant ses arguments sans écouter l’autre. « Ici, c’est l’entrée des Musulmans et là c’est l’entrée des Juifs. Il y a une porte qui sépare la mosquée de la synagogue, mais personne ne peut l’ouvrir ». Chaque protagoniste de cette pièce représente non pas une personne mais un ensemble, un groupe. « On voit notre cimetière depuis nos fenêtres, mais pour enterrer nos morts on doit faire le tour ». Le texte est une sorte de collecte d’informations sur le terrain par un journaliste d’investigation, témoignages mis à bout à bout jusqu’à former un immense patchwork.

Ecrite en 2022, « Patriarcat, vivre en confinement éternel » est quant à elle présentée comme une performance de théâtre documentaire et fut pensée pendant le confinement de 2020. Durant ce dernier, une femme, Ruth, a secrètement noté une série de phrases prononcées par son compagnon Xavier, des phrases accouchées du sexisme ordinaire, violentes, dégradantes, humiliantes, phrases du quotidien où un homme harcèle inconsciemment la femme avec laquelle il vit. Un monologue en ressort, c’est celui de Xavier, quelques dizaines de pages qui mettent très mal à l’aise, tant l’homme semble ne pas réaliser la teneur des propos qu’il prononce. Leur fille de 14 ans, Saralei, est parfois présente, elle est témoin de ces scènes suffocantes.

Ruth et Xavier se sont connus en Israël où elle habitait alors. Ont vécu dans plusieurs pays, sont désormais en France, patrie de Xavier. Qui se comporte en partie comme un colon, comme un homme qui aurait acheté une femme pour la sauver de son destin, mais qui lui ferait payer depuis ce noble geste. Quand il va trop loin, il verse dans la victimisation voire le chantage au suicide. 17 ans de vie commune, et Ruth résiste, pourtant Xavier persiste « Sympa de me faire dire des trucs hyper graves devant tout le monde ».

Monologue d’une grande violence psychologique, il est suivi par la douceur de celui de Ruth, un poème féministe qui évoque le genre, qui donne plus de souplesse à ce texte qui se clôt sur un monologue de Saralei, leur fille, qui mentionne simplement les noms d’une centaine de femmes assassinées, « féminicidées » entre 1324 et 2022, avec date et lieu du crime ainsi que la cause de la mort.

Winter Family est un couple, Ruth et Xavier, oui, les personnages qui se mettent en scène dans « Patriarcat ». Ils ont pris le risque de dévoiler leur intimité quand l’homme humilie la femme. Winter Family, en plus d’être un duo théâtral, en est un de musique expérimentale. Xavier Klaine est d’ailleurs connu dans le milieu punk/metal underground puisqu’il fut bassiste au sein du groupe de grindcore nancéen Blockheads. La belle préface est signée Hortense Archambualt.

Ce livre renfermant les deux pièces vient tout juste de paraître aux éditions L’espace d’un Instant. Or ces éditions sont en danger voire en péril. En effet, après avoir diminué tant et plus les subventions de la maison depuis 2017, le ministère de la Culture vient de les couper net pour l’année 2025. Sans solution alternative, les éditions L’espace d’un Instant pourraient donc disparaître d’ici quelques mois, malgré la richesse des textes depuis maintenant plus de 20 ans, malgré les sujets abordées, les langues parlées (les nombreuses références aux pays des Balkans), dont cette fameuse pièce traduite du tatar de Crimée, la première provenant de cette langue jusqu'ici jamais traduite en France. Les éditions l’espace d’un Instant sont l’un des partenaires privilégiés du blog, c’est dire la secousse qu’a entraînée cette fâcheuse nouvelle.

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(Warren Bismuth)

mercredi 27 décembre 2017

THÉÂTRE ASHTAR « Les monologues de Gaza »


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Ces monologues sont au nombre de trente-trois, brefs, vifs, parfois inattendus, d'une longueur d'une à 3 pages. Trente-trois témoignages percutants de jeunes habitant.e.s de Gaza au lendemain de raids israéliens pilonnant durant 3 semaines la bande de Gaza entre fin 2008 et début 2009. Ce qui frappe c'est que la plupart de ces jeunes adultes voyaient, avant les bombardements, Gaza comme le paradis sur terre. Un basculement s'opère dès les premiers assauts, peur, sentiment permanent d'insécurité, odeur de mort, de poudre, cadavres, ruines, subsistance au jour le jour. Les bombes ne tombent jamais bien loin, les témoignages en font foi, souvent les obus tombent sur la maison d'à côté, anéantissant les voisins, qui sont parfois de la famille. En quelques semaines un carnage, une vie sereine s'éteint, une autre prend forme, périlleuse, angoissée. Comme il est précisé en note de fin du présent volume « L'attaque israélienne sur la bande de Gaza, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, conduit à la mort de 1380 palestiniens, parmi lesquels 431 enfants. On estime à 100000 le nombre de personnes déplacées. Maisons, écoles, hôpitaux, lieux de culte et centres culturels sont détruits ». Ces destructions, nos trente-trois témoins en parlent, avec pudeur, humour parfois, malgré les séquelles, les plaies ouvertes, physiques ou psychologiques. « Les gens de Gaza disent que la mer lave de tous les soucis, mais moi mes soucis sont plus grands que la mer. Parce que, la dernière fois que j'étais au bord de la mer, j'étais avec mon ami. On a nagé, rigolé, on s'est bien amusés… Mais maintenant je n'arrive plus à aller à la mer ». Trente-trois courtes tranches de vies résonnant comme un couperet, une saignée sur une destinée, trente-trois témoignages mis en scène pour une pièce de théâtre sans dialogues, traduite en 14 langues, jouée depuis sa création par 1700 jeunes jusqu’en 2013, le chiffre a dû grimper depuis. Ce THÉÂTRE ASHTAR existe depuis 1991, basé à Ramallah, Cisjordanie, et invite de jeunes palestiniens à s'exprimer pour faire partager leurs expériences, leurs traumatismes de guerre, et dire que tout n'est pas perdu, même si la paix revenue n'est que relative, dérisoire, et pue encore la mort à plein nez. « Voilà où en sont Gaza et ses rêves : notre souhait le plus cher est devenu de mourir d'une belle mort, et non de vivre une belle vie ». C'est une leçon de résistance, d'espoir. La version papier de cette pièce originale est parue en 2013 aux Éditions L'ESPACE D'UN INSTANT.

(Warren Bismuth)